Max Elskamp |
Mais voici le temps venu d'encor la souffrance Et Madame la Vierge, faites-vous sour noire, Voici le temps venu de toute la souffrance : En bas, dans les maisons, cousent les tailleurs noirs Les robes tristes de laissez-toute-espérance, Or, Madame la Vierge, faites-vous sour noire. Car il fait malade jusque dans les prières Des meilleurs hommes que nulles femmes n'écoutent, Car il fait malade jusque dans leurs prières, Et voici les vieilles gens finir goutte à goutte Leurs bons yeux d'autrefois fatigués de lumière, Dans les travaux d'enfant et simples de misère. Lors c'est le temps venu pour vos mains de prières Et, Madame la Vierge, faites-vous sour noire, Et mettez du velours sur vos mains de prières, Et vos robes d'autel faites-les teindre en noir, Car les très doux ont mal et leurs femmes sont folles, Et les plaies agrandies par les fièvres du soir Attendent les bons doigts de blancheur bénévole, Pour s'aller au sommeil de vos bras qui se donnent Comme des lits d'enfance endormis de paroles ; Or, c'est le temps venu de résigner vos trônes, - Et, Madame la Vierge, faites-vous sour noire - Pour peut-être Jésus malade chez les hommes. Car je sais d'ineffables âmes Aux pauvres villages du corps, Et tristes bien jusqu'à la mort, Car je sais d'ineffables âmes ; Et de pauvres yeux de Noël Faisant leurs petites lumières Dans la nuit comme des prières, Et de pauvres yeux de Noël Qui pleurent de vouloir le ciel Dans leurs douces mains de misère ; Et des pieds mal posés sur terre Qui marchent pour aller au ciel. Et puis de pauvres faims aussi, Les pauvres faims des pauvres dents A l'entour des pains de cent ans ; Et puis de pauvres soifs aussi ; Car je sais d'ineffables femmes En de pauvres corps de merci, Et de très beaux hommes aussi, Mais malades comme des femmes. Or, l'hiver m'a donné la main, J'ai la main d'Hiver dans les mains, Et dans ma tête, au loin, il brûle Les vieux étés de canicule ; Et dans mes yeux, en candeurs lentes, Très blanchement il fait des tentes, Dans mes yeux il fait des Siciles, Puis des îles, encor des îles. Et c'est tout un voyage en rond, Trop vite pour la guérison, A tous les pays où l'on meurt Au long cours des mers et des heures ; Et c'est tout un voyage au vent, Sur les vaisseaux de mes lits blancs Qui houlent avec des étoiles A l'entour de toutes les voiles. Or, j'ai le goût de mer aux lèvres Comme une rancour de genièvre Bu pour la très mauvaise orgie Des départs dans les tabagies ; Puis ce pays encor me vient : Un pays de neiges sans fin... ; Marie des bonnes couvertures, Faites-y la neige moins dure Et courir moins, comme des lièvres, Mes mains sur mes draps blancs de fièvre. Mais c'est trop redit, Madame la Vierge, Mon mal, car d'autres ont beaucoup souffert, Témoins les pauvres petits arbres verts De dédicace à vos autels de cierges ; Car toutes les joies qui sont aux kermesses Et les routes qui font que l'on y va, Sont, dans la nuit, pleines d'hommes sans bras, Toutes les routes qui vont aux kermesses. Et puis c'est bien trop tard dans la saison Pour les chevaux de bois si poitrinaires Et pour les orgues dans les luminaires Seules à garder leurs illusions ; Car de plus pauvres, pour la guérison Des mains et des pieds se désespèrent, Et les vieilles gens de toux-et-misère, Les trop vieilles gens pour la guérison, S'en sont allés doux, Madame la Vierge, Avec leurs doigts tout d'hiver ulcérés, Sur vos beaux autels voir brûler leurs cierges Dans un jardin de cours d'argent doré. Mais dans les jardins d'herbes et de simples Il fait moins pâlot de convalescent, Dans les bons jardins d'herbes et de simples Les fleurs ont calmé comme des enfants Les moins méchants fous qui jouaient aux billes Et fait rire enfin haut les innocents, Dans le printemps des garçons et des filles Et vôtre de si pauvres vieilles gens, Madame la Vierge, des corps en guenilles. Car un vieil hiver s'enfuit en courant Par le chemin que lui montrent les cygnes, Un si vieil hiver de pluie et de vent, Qu'on dirait l'éternité s'encourant Après les heures, en faisant des signes Aux points cardinaux des pluies et du vent. Or, pour les plus chers et parce qu'enfants, Madame la Vierge des mères folles, Au bout des cuillères longues d'argent Faites moins amer le vin des fioles Et guérir un peu et plus blanchement Les mains des enfants dans les fièvres molles ; Car dans les fenêtres naïvement Il fait en douceur un ciel malhabile A se vouloir bleu et très tendrement Aux très bons soleils venus sur les villes, Comme pour vernir des jouets d'enfants, Les si bons soleils de toutes les villes. |
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Max Elskamp (1862 - 1931) |
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Biographie / chronologie1862 - Naissance à Anvers, rue Saint-Paul, de Max Elskamp. Ouvres / orientation bibliographiqueOuvres |
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