Michel Butor |
On s'imagine souvent que les nombres sont blancs et froids comme des cristaux de neige et que les mathématiciens skient sur leurs pentes en respirant l'air le plus pur On s'imagine que c'est le meilleur refuge contre les tourments de nos viscères la pollution de nos cerveaux les déchirements de nos familles les haines entre nations et races les sursauts de la barbarie Et c'est bien vrai qu'ils peuvent l'être si le mathématicien le mérite c'est-à-dire s'il a bien compris qu'ils sont souvent tout autre chose et que d'innombrables cadavres pourrissent cloués sur les chiffres statistiques ou matricules Il y a des nombres tranquilles d'autres en danger d'explosion il y a des nombres tout simples et d'autres remplis de recoins d'obscurités palpitations de crissements et perspectives grondements précipitations Ce sont les calculs qui permettent bombardements exploitations aussi bien qu'envols délivrances explorations et guérisons il y a des nombres qui brûlent et d'autres qui nous emprisonnent dégoulinant de nos malheurs Dans le labyrinthe des chiffres il y jardins et donjons plages délices et tortures des ruisseaux de lave et de sang à distiller en élixir pour la fontaine de jouvence où nous boirons la vie des dieux |
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Michel Butor (1926 - ?) |
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Portrait de Michel Butor | |||||||||