Michel Butor |
Les branches s'écartaient pour nous laisser passage en retenant délicatement nos cheveux et nous proposaient des cerises dont le jus coulait sur nos joues C'était il y a si longtemps à peine si je me souviens il a fallu qu'on me raconte et que je retrouve des traces dans les peintures et chansons J'étais un enfant mais j'avais toutes les forces d'un adulte et tous ses désirs je passais de mère en fille et déposais des bébés poisseux dans leurs bras Tout cela semble disparu et pourtant tout cela perdure entre le miroir et l'image entre le rêve et le réveil entre la page et l'impression Les ronces nous griffaient sans nous infliger la moindre souffrance dessinant des fleurs sur nos peaux que les amoureux effaçaient en buvant les perles du sang La main dans la main nous courions entre les déserts et les sources choisissant les uns pour les autres les fruits des arbres du savoir dont nous comparions les saveurs J'étais à l'aise dans mon corps j'en connaissais tous les organes les maladies étaient amies je goûtais fièvres ou frissons dans des lits de boues et de feuilles Où était-ce ne saurais dire si loin de tout si près de toi jouissant du chaud comme du froid j'ai perdu la clef de la grille et j'erre comme une âme en peine |
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Michel Butor (1926 - ?) |
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Portrait de Michel Butor | |||||||||