Michel Deguy |
Très proche, toujours refusée, la seconde vie fait escorte ; cet écart ouvre le chant. Du hiatus creusé par le refus sans effort s'élève une voix ensemble amère et apaisée. Seconde vie jamais vécue, invivable, vie surréellc, affranchie, vie du pécheur ; à distance d'où luit cette vie reculée, la passion et le crime apparaissent comme possibilité essentielle. S'agit-il d'une menace ? Plutôt d'un bras tendu, d'une main offerte, étonnamment proche, et du coup jamais saisie, parfois frôlée, dans le doux vertige d'une rencontre, l'absurdité d'un mensonge, la violence d'un imperceptible délit contre les siens. La main si proche, ce qu'elle dispense incessamment, funèbre, gantée de noir, c'est le faire-part de la mort possible des bien-aimés. Qu'elle soit agrippée, décidément, et d'un seul coup commencerait l'autre vie, hors toute loi, cruelle et désertée des enfants, inventant sans repos le mal impossible, rongée de mauvaise foi. La seconde vie escorte comme une caresse, un leurre, un souffle. Celle qui est vécue en reçoit son prix ; elle se met a briller comme une chance ; elle peut être aimée, plutôt que méprisée. Monte à son flanc un contre-chant de louange à sa fragilité ; ce qui y arrive est bien venu, à son ordre, et l'écart entre les parallèles ne peut diminuer ni augmenter. Elle s'abandonne sans regret aux tâches multiples, aux divertissements : sans relâche, mais sans hargne, l'accompagne l'obsession de l'autre; l'événement ne peut recouvrir cet appel transversal : voix de l'errance pure à côté du métier, du voyage à l'oreille du sédentaire, voix de l'érotisme à côté de l'amour. De cette escorte point de souci trop amer. Dans l'insouciance cela parle soudain, au creux de la double vie. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Michel Deguy (1930 - ?) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Michel Deguy | |||||||||
Biographie / OuvresMichel Deguy, né en 1930 à Paris, est professeur à l'Université de Paris VIII. Président du Collège International de Pliiloso-phie de 1989 à 1992, il préside la Maison des écrivains (jusqu'à fin 1998) et le Centre International de poésie de Marseille. Il est rédacteur en chef de la revue Po&sie (Beliu), membre du comité de la revue Les Temps modernes. Après les prix Fénéon, Max Jacob et Ma |
|||||||||