Michel Deguy |
Disloquer le héros de Malraux ne devrait pas nous faire tout oublier. Nons manquerions de sérieux si l'autodafé qui réquisitionne le théâtre pour la salutaire combustion de l'Individu-qui-se-prenait-pour-un-Homme, nous cachait que cette opération d'achèvement de la littérature d'hallucination humaniste peut favoriser la naissance d'un autre (on n'ose plus dire : d'un autre homme) ; le champ ne redevient-il pas libre pour une autre vie, l'encore vraie vie dont parlait Rimbaud, que son absence ne rend guère apparente ? L'homme-ordure de Reckett ne devrait pas nous distraire de ce qui se passe en retrait, chant silencieux du poète discret. La leçon, c'est qu'il n'y a aucune figure à donner à cette vie : à preuve ce héros qui finit en déchet ; qu'il y al renoncer, a disparaître dans le consentement, jusqu'à perdre conscience, car c'est la difficulté. Aucune allure à donner à cette vie, aucun style. Nulle recherche pour « transformer le maximum d'expérience en conscience ». Plutôt laisser recroître le désir d'une fraîche docilité a ce qui dépasse la mesure de toute « vie individuelle », désir de réapprendre le très lent mouvement de sourdre, la très réservée pulsation de source. Il s'agit d'appliquer l'oreille contre la terre, en tout lieu de la terre, et de ménager alentour le silence, pour préserver audible le battement très sourd d'une venue très lointaine à pas incompréhensibles. C'est pourquoi le vivre poétique est distrait en toute situation acceptée : toutes «ont propices à l'audition inattendue mais espérée. Finie la vie de château révolutionnaire dans l'Espagne des héros ; moins d'attention aux miasmes de la subjectivité. Suffit la dimension du vivre le plus banal, le plus brisé, sans volonté d'unité prématurée, sans dessin, pas même celui d'une agonie pestilentielle ; vivre amoureux dans son insouciance ; vie qui ne se prête à aucune mise en scène - et presque à aucune ouvre. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Michel Deguy (1930 - ?) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Michel Deguy | |||||||||
Biographie / OuvresMichel Deguy, né en 1930 à Paris, est professeur à l'Université de Paris VIII. Président du Collège International de Pliiloso-phie de 1989 à 1992, il préside la Maison des écrivains (jusqu'à fin 1998) et le Centre International de poésie de Marseille. Il est rédacteur en chef de la revue Po&sie (Beliu), membre du comité de la revue Les Temps modernes. Après les prix Fénéon, Max Jacob et Ma |
|||||||||