Michel Deguy |
Ma chair, je voudrais vous écrire de la nudité. Il faut repartir à nu pour entrer dans la question - qu'est-ce que l'imaginaire. Qu'est un nu en peinture en sculpture ? Cette hanche Vélasquez, mais Dim à la t.v. ou vous en chère et os, et comment le désir fomente-t-il la représentation... Ce à quoi revient comme au même la femme de chair ou de papier, ce même que ce, qu'est-ce, qui fait que le passant jette un regard furtif dans la gorge du mannequin de plastique à la devanture des Galeries ou même de la photo de film affichée ? Il n'y a rien à voir, et pourtant le désirable a paru, cela même, image qui attire et fait paraître belle-Le désir et l'image s'inventent. Vous êtes, ou fûtes, l'image, et lui le désir; ainsi durent distribués les rôles dans l'amour. Puis réversibles. Le désir cherchait l'image pour désirer; l'image cherchait le désir pour paraître. J'appelle image ce qui fait paraître femme une femme nue, la nudité rassemble le beau et le désir; ce qui ressemble est désirable. (On dit que les interdits au désir qui le privent des symboles où il s'apprit d'abord, forcent le désir aux métamorphoses...) Corps à corps esquissé dans la rose des langues La stalactite de ta langue fond comme un goût Cherchant l'antonyme à macabre pour danse Nous préparons la rigueur de la sodomie Au pire moment du monde Notre regard tombe en même temps Sur nous de l'infini Pour qui le sens est en train De n'avoir jamais eu heu Odeur de tilleul aux mastoïdes Paumes roulant la pâtisserie des fesses Ou main gauche étayant le sein droit Et le pouce doucement t'excisant Comme la danse des danseurs dure En transitions définitives Vers d'excellentes figures (Le portement du grand écart) Éros est celui qui ne néglige rien L'horizon des cuisses déplie les nymphes mauves Sans image apparaît le sexe Et puis comme un visage il est L'index en toi s'engage vers le col le re rapproche de toi L'anus et la joue se rehent par ce bras Mensuration et poème s'éprennent Omphales coïncident Iris et pubis s'arriment Le compas d'apophyses rend Je te décris en quelque temps De beauté à laideur oscillent laideur et beauté Comme instable gestalt à la vue réversible Pour ressembler à un repas Le désir se nourrit de ce qu'il ne mange pas Ut musica ut pictura ut poiesis Comme qui a soif au milieu torrentiel du fleuve où il boit Eux ne peuvent se rassasier de regarder leurs corps à satiété Hors d'état de rien arracher des mains aux tendres portions De corps errant corps à corps tout entiers sans savoir où À la fin se mesurant de toutes parts en fleur ils vont fuir De leur âge et déjà le corps présage de jouir Et Vénus en est à parsemer les sillons de femme ; Se fichent avidement les corps, se joignent les salives Des bouches et se respirent s'entrepressant des dents les bouches Pour rien puisqu'ils ne peuvent rien arracher ici Ni pénétrer et passer dans le corps avec tout le corps. Entre-temps on dirait que c'est ce qu'ils veulent faire et combattre Jusque-là : cupides aux jointures de Vénus ils adhèrent Et les membres tremblant de volupté se liquéfient (à Lucrèce) tout emporte le présent l'emporte À telle force d'heure en heure Que d'heure en heure il n'y a plus Que la déferlante de l'immense Léthé |
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Michel Deguy (1930 - ?) |
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Portrait de Michel Deguy | |||||||||
Biographie / OuvresMichel Deguy, né en 1930 à Paris, est professeur à l'Université de Paris VIII. Président du Collège International de Pliiloso-phie de 1989 à 1992, il préside la Maison des écrivains (jusqu'à fin 1998) et le Centre International de poésie de Marseille. Il est rédacteur en chef de la revue Po&sie (Beliu), membre du comité de la revue Les Temps modernes. Après les prix Fénéon, Max Jacob et Ma |
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