Michel Deguy |
Le poète de profil Le poète à l'équerre de corps et d'ombre sur les seuils Le poète Gulliver qui retrace un roncier d'hiver avec la pointe de Hopkins Ou décroît pour accorder l'herbe au zodiaque avec compas de Gongora Génie des contes perses car il refuse l'indifférence Il entretient la lymphe bleue dans le réseau des ormes Veille zêta epsilon delta d'Orion sur la branche basse Oil triple posé de witch witch witch Qui s'envole constellation subtile de corbeaux Il est ici pour inventer quelque chose d'aussi beau qu'un mot saxifrage inventé par personne S'il cherche un trésor il le trouve (Imagine un poisson cherchant un poisson dans l'obscurité des mers...) Quand il revient parmi nous dans la transparence d'hiver où les choses sont des lignes Quand il rouvre le filon des couleurs à ciel ouvert Quand il revient sur l'étroite digue hospitalière et Et quand poussé aux épaules par Comme un transféré Il longe la rivière invitée au moulin Le coq sa crête de lilas son cri à travers - L'aveugle Il se gante de saule Il endosse la rivière Et voici tâtonnant Sa main prolongée S'avance dans un monde étrange Il se hâte vers le désert Un plateau où la flèche est gnomon Le vide est sa force Le soleil passe comme un anneau nuptial Entre les arbres généreux il appartient à la déception Émigré que scalpe un âge il travaille pour une absente sous ses pieds qui dort quand il se lève Pour regagner l'absente de son pays qui veille quand il dort Le temps est celui qu'il n'a pas de penser à elle Il émigrait l'hiver dans les branches pieuses L'hiver d'une seule manière multipliée - les os les mots l'amplitude les pas les voix l'espace occupé les voyages la justice - Épiant le visible où les figures muent Il émigrait faune serrant un pipeau de veines Syrinx étouffée les vaisseaux creux ramassés devant soi Où le sang prolonge sa peine Le cour venait contre l'oreille On veut le faire roi ! La clientèle des vents le serre Les cris le portent Toute voix veut à nouveau se faire entendre L'hiver expose lés litiges Un groupe de fleurs attend son tour Il y a ces écrouelles de lisière II y a ces ruines Un joug un front de buffle brûlé Qui t'a fait ruine? La crase des mains apaise droite et gauche Une pierre attendit cent mille ans II exauce le silex Un jouet d'ébonite sur un sillon quoi d'autre Car les adunata quittant le rêve atterrissent Tout le réel est possible Les fables parlent comme des animaux Ombre de Virgile devenue voix de Virgile Voix de muse devenue désir et obéissance Je te suis écoutant la plainte donnant voix à l'enfer fraternel Je t'écoute ta voix décapitée attentif au silence continue sous le treillis pareil au vengeur qui canne la vengeance Je reconnais la souffrance grâce aux lieux L'herbe ici n'a pas crû La bête est restée Toi je t'écoute Que dis-tu de ta saison? Je descends la vallée partageant Une feuille Remonte vers le village Les stères d os rassemblez-les au feu Le tort? Mais l'homme vous donne la place Les oiseaux ont des chemins Qu'on relève cette borne L'eau qu'elle se dessèche en cette place usurpée Dénouez les andouillers des acacias lutteurs Retirez doucement le bleu cosmos Qui s'est pris aux pals d'hiver Les fleuves la perspective Les versants le fagot des chemins Il guide vers un lit de syllabes Le vent est son fouet Il favorise la transhumance des terres Appelle bruit le grondement des sols Longeant l'arc où le ciel A centré ses lumières Cyprès de paroles alors Se dressent et oscillent Par ceux qui marchent ici comme dans galerie à ciel ouvert (parois d'ormes piliers de grès sol de terre ciel de ciel) par ceux qui disent Voici lisière Le monde avait besoin d'être annoncé « Le royaume est semblable au chemin par exemple Extérieur au mur bas du château grillagé Le royaume est semblable à ce lieu Qui a besoin de parabole pour demeure » Un homme las du génitif et las De l'histoire du même divisé contre lui-même - ô femmes répudiées - Portant les faisceaux du savoir Mais en forme des faux sur le champ Apostrophes sur les tempes Près des bêtes tachées qui mourraient jusqu'au bord Le vent repasse Par des chenaux sans métamorphoses Un géomètre le soleil reprend les verticales Phares lents d'ombre Quel est ton héritage? Entre audience et décret le suspens Royal comme la dot des Phéaciens L'accueil à mots couverts de ressemblance errante La vengeance son change en manne Le remembrement des tropes Le baptême des noms après les noms O mer limitée! Ignorance des ronces! Sous les paupières nous nous rapprochons Pour parler en secret à son insu à mon insu Je prends le masque de la terre sous la peau L'herbe envahit mes os Barque exaltée en pavois où le corps Se vêt de l'impatience qui lui ressemble Et sa pensée alors conduite aux entrailles Connaît ceci : Profond mime du départ L'artère émue le bras L'os étrave à sillage de sang Syntaxe comme Varies Au laps d'engagement Lit de justice entre Ce qui monte et ce qui vient Psyché double où les entrailles Font le tain pour les arbres Et pour le sang le phosphore des Visage comme il sort des broussailles Dédoré végétal Paré de lichens laid de terre Terrestre un paysage avec jachère Du chaume ça pousse Ainsi la peau c'est le sol Les yeux coulent encaissés Passage de l'âme en ce défilé Remontant de la perte à fleur d'être Fontaines comme à Vaucluse Inattendus paisibles On les voyait passer tout le jour Presque sans bruit Des maux secrets comme des hauts-fonds Nous guérissions sans les connaître Parfois au verso des paupières Dans les plis de l'aveuglement Les veines d'une vierge prévalent Et comme il y a rivière il y eut corps à genoux Les cailloux affleuraient le derme rapide Éburnéennes apophyses sondant l'eau tendue Ou pliée remontent vers la source gestes des amants Et rythme de leurs feintes Portés sur larmes aux longues tiges Les amants froids tournent la face à leur chaleur Et comme d'un feu l'hiver ils s'éloignent insuffisant Ceux que le deuil adoucit Vieillards devenus poètes au soleil Confiants dans l'hiéroglyphe ici Comme d'avoir mâché une herbe Qui change l'amitié même Fonte en retour pressée de s'infiltrer Pareille à la foule des âmes que son grand Nombre attarde une par une triée vêtue Mais vers le visible où les morts remontent Et nous devant la terre dressée attendant Ainsi notre tour comme si là-bas pouvait Nous absorber la lumière Il est divers miroitements entre le derme incisé des champs Échange et le visage aux couloirs de vent Emboîtement les rues s'encombrent comme l'ancien parvis car les hommes agencent un gigogne Tout se tolère et se juxtapose nombres et hortensias Les bleus et verts dans le spectre du jour Cependant que du balcon parfaitement mobile Véloce l'homme arthropode se penche à travers L'âme à facettes sur toutes choses L'homme héliotrope L'homme anthropoïde Voleur mal assuré qui tend sous les arbres son dol Homme dans l'âge qui penche sous un seuil L'homme peut-être étant L'homme peut-être lisant En chaque ce qui est ce qu'il est Bêtes son bestiaire feuilles son herbiaire jour son diaire Jubarte épervier tortue lynx Et mangouste il résume Son blason ses armes la terre héraldique Homme invisible l'homme Tâte le vert qui s'interpose Il descend quand le ciel le précède L'homme demi-sang Hissé dans le van terrestre Il blesse l'homme Il laisse sa momie parler sur son silence Fatigue Jachère Le deuil nous conduit « Tout » revenait comme un setter Dans les phrases des enfants Quand le vent pille le village Tordant les cris L'oiseau S'engouffre dans le soleil Tout est ruine Et la ruine Un contour spirituel Soufflet de nuit baguée contre la joue Le haut du haut descendit dans les places Tout vient nuisible Et proche heureusement L'arbre éclaire les tempes du ciel Le cheval engloutit la source La couleur prend sur les animaux Laissant l'homme Ma vie Le mystère du comme Puis l'ombre se fait lumière Les jours ne sont pas comptés Sachons former un convoi de déportés qui chantent Arbres à flancs de prières Ophélie au flottage du temps Assonances guidant un sens vers le lit du poème Comment appellerons-nous ce qui donne le ton? La poésie comme l'amour risque tout sur des signes Les pierres mises aux fers Un s'élève dans la maison Bruit de femmes déchirant les taies Et raies dans l'aquarium des peintres En poulpe les veines sur le divan jusqu'à l'anus L'eau joviale à côté du sommeil tandis que Prévenu par l'âme prise II lègue ses derniers moments Le cygne dressé Recommence à parler Poète qui préfère Dire comment c'est Ronde des choses Par les doigts du génitif Sorite du poème |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Michel Deguy (1930 - ?) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Michel Deguy | |||||||||
Biographie / OuvresMichel Deguy, né en 1930 à Paris, est professeur à l'Université de Paris VIII. Président du Collège International de Pliiloso-phie de 1989 à 1992, il préside la Maison des écrivains (jusqu'à fin 1998) et le Centre International de poésie de Marseille. Il est rédacteur en chef de la revue Po&sie (Beliu), membre du comité de la revue Les Temps modernes. Après les prix Fénéon, Max Jacob et Ma |
|||||||||