Mostafa Nissabouri |
Pour que vous doutiez encore plus de nos origines nous vous proposons des corps pour les usines-salut-de-rhumanité sans ablutions des corps tranquilles sur le sable les bureaux de placement des corps tannés l'histoire tuberculeuse nous autres les chiens les perfides nous autres au cerveau paléolithique les yeux bigles le foie thermonucléaire des corps avec des tablettes en bois où il est écrit que le sous-développement est notre maladie congénitale puis m'sieur puis madame puis merci sans oublier notre interminable procession de dents jaunes et les vapes notre sang moitié sang moitié arbre des corps nourris de sauterelles et de pisse de chamelle nous ne sommes pas même épileptiques dans les grottes de vos Platon ni dans les contes de Shahrazade pas dans vos statistiques sur la culture des peuples les maladies guérissables par bouchée de petite ruine pas dans vos bilans vos rapports frénétiques sur les grandes et inhumaines certitudes ni les médailles ni les cités de jade contre nos refoulements nos stigmates purulents nos matrices aboyant sous le vent pas dans vos traités sur la biologie de l'homme pétrifié bien que nous ayons nos guerres fratricides et que nous rêvions de planètes de ruelles d'arcades de soleils au centre de la terre (nous connaissons l'aliénation mentale et parlons de civilisations crevées mises à sac) et que nous vous accordions au pied des murailles et murailles d'héroïne les tétanos les guerres d'estomac et de chacal pour satisfaire votre esprit calculé sur les dossiers de Rome et du Viêt-nam vos lunettes de pèlerins nécrophages sur les remparts de Marrakech nos rumeurs de foule démente mangeuse de caravanes nos bidonvilles soleil sur soleil et djinns avec des allumettes les épouvantails de nos fraternités - ah avec des oranges des fusils de siba ah moi madame arrange vole pas moi monsieur bonne année bonne santé - de toutes petites femmes avec de petites étoiles vertes sur le front toute la légende pernicieuse de nos diaphragmes toutes les affres du sang dans un vertige de mosquées-bidon et de frondes nos corps affublés de tornades pour conjurer vos corps tronçon hibernation d'une petite névrose de sable nous-mêmes sans kasbahs ni idiomes pas méditerranée-démence pas mémoriser réenraciner la mémoire cette grotte cette chiotte cette mort courant les ruelles pieds et bras tatoués chewing-gum brosses à dents avec des tas d'usines de phosphate des tas de livres des tas de rois et ça n'en finit pas de converser dans des tas d'antres artificiels pour boire un thé magnifiquement mérité brindilles sésame et à ta santé la foule bariolée qui changes de cap mais pas de lance et qui changeras tout le long de tes pièges à rats vieux meurtre inconditionnel qui nous aurais donné contre un revolver tout un paradis de lubies empilé sur nos échines mais alors des tas de médinas pleines de coquelicots jusqu'à faire de nos ossements des vestiges de cités incomparables l'oiseau l'oiseau et les voleurs d'oiseaux barbare l'oiseau comme nos pérégrinations d'un arbre l'autre jusqu'à l'arbre de violence qui nous passe par le corps et vos mamelles maîtresses du sang vos mamelles nous n'aimons pas la ville riant sous cape la ville sangsue non plus ses ères de nomadismes et les sobriquets du soleil ce malfoutu soleil qui n'en finit pas de tournoyer et qu'on chassera à coups de pierre nous autres de timbales sur des nids de serpents pour fraterniser avec le sang recouvrer la mémoire dans un orgasme de lunes comme ces chameaux tranquilles qui nous envoient leurs saignées sur la poitrine (saigne chameau de ton cou délirant nous voulons des chopes de sang qui écume des caillots gros comme le poing accomplir des voyages hélant le désert devenu poisson saigne encore chameau saigne saigne de cités pour les roses tandis que les roses ont des crépuscules de Dadès nous voulons dans ce sang l'oil l'épée dans ce sang pétrir la nuque du vent violenter des seins et poursuivre la foule jusque dans ta trachée artère saigne chameau encore encore) nous vous accorderons encore des conspirations à la barbe de notre sexe et pour compléter votre catalogue de superstitions des mains coupées désarticulées des rues tête tranchée où nous avons pressé toutes les humanités possibles contre nos poitrines terroristes des rues pleines de cris de génisses flagellées d'écritures ANTICIPATION SUR UNE EXCLUSION (extrait) Moi nomade je guéris par écritures de sable les plaies du devenir dans l'attente je traquerai l'image de la mort en vous vos chemins d'étoiles et là où elle sera présente avec des caftans des bouquets de kif parrainant les mirages la mort très belle comme la lecture souveraine de nos mains Parce que je nous Vois je cracherai mes souvenirs au petit jour sans vous mes parentés inaudibles dans des eaux troubles de matins incertains je serai celui dont la voix est native de villes jetées à leurs défaites en débris de ciel qui les hante qui ne connais pas mon nom mon origine je serai le moi-sang pour ne plus jamais rêver La mort est toute rouge qui découvre son hibou flamboyant et la matité d'une lune endormie dans les sources Mémoire maudite Dès lors je parle la langue héritée d'une grande nuit répandue Moi nomade je voudrai comme dans un rite ancien et porteur d'un masque je voudrai avec des terrains mouvants je voudrai avec des cycles de corps emmurés dans la boue je voudrai d'hier à demain avec des rues piégées d'hommes sans yeux comme des soleils éteints avec des rues sans ville avec des villes sans nom je voudrai comme un poisson arriver par les coutumes d'eau qui ponctuent ton nom d'une île dans mon regard je voudrai comme un nuage intense sur des moissons sans terre comme une possibilité de vie autre comme un cri revenir et infliger à ton corps le spectacle de mes péninsules d'ombre trancher notre difficulté d'être ou mourir Je parle la moitié de ma langue où le soleil est une fissure tandis que dans l'autre moitié tout entre nous reste mille fois à redire le soleil est dans ma langue la gemme phosphorescente résumant des nuits vénéneuses et de porphyre en toi préservant à jamais de ma venue les brumes de tes rives et la terre ferme de tes contes à ogives le soleil dans ma pomme d'adam éclate les digues du refus sur la mer que je bois entièrement pour t'entendre je voudrai lire sur tes seins l'alphabet rose des solitudes de la peine et les prédictions de toutes les montagnes avenir Nomade pour ruiner une religion par jour sans me départir de moi-même c'est-à-dire du fracas et des éruptions de plutonium de mon sang veillant sur les remparts des palais de jade des mausolées de nacre je voudrai ruiner une religion par jour et tous les temples d'or dans mes souvenirs - tendre des pièges aux fantômes qui se risquent hors de l'oubli J'arrive par la caravane sortie de la grande déchirure de l'espace. |
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Mostafa Nissabouri (1943 - ?) |
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