Olivier de Magny |
Que faites vous, mes compagnons, Des cheres Muses chers mignons ? Av'ous encore en notre absence De votre Magny souvenance ? Magny votre compagnon dous, Qui ha souvenance de vous Plus qu'assez, s'une Damoiselle, Sa douce maitresse nouvelle, Qui l'estreint d'une estroite Foy Le laisse souvenir de soy. Mais le Povret qu'Amour tourmente D'une chaleur trop vehemente, En oubli le Povret ha mis Soymesme et ses meilleurs amis : Et le Povret à rien ne pense, Et si n'a de rien souvenance, Mais seulement il lui souvient De la maitresse qui le tient, Et rien sinon d'elle il ne pense, N'ayant que d'elle souvenance. Et, tout brulé du feu d'amours Passe ainsi les nuits et les jours, Sous le joug d'une Damoiselle Sa douce maitresse nouvelle, Qui le fait ore esclave sien, Ataché d'un nouveau lien : Qui le coeur de ce miserable Brule d'un feu non secourable, Si le secours soulacieus Ne lui vient de ses mesmes yeus, Qui premiers sa flamme alumerent, Qui premiers son coeur enflammerent, Et par qui peut estre adouci L'amoureus feu de son souci. Mais ny le vin ny la viande, Tant soit elle douce et friande, Ne lui peuvent plus agreer. Rien ne pourroit le recreer, Non pas les gentilesses belles De ces gentiles Damoiselles, De qui la demeure Ion met Sur l'Heliconien sommet, Qu'il avoit tousjours honorees, Qu'il avoit tousjours adorees Des son jeune aage nouvelet, Encores enfant tendrelet. Adieu donq Nynfes, adieu belles, Adieu gentiles Damoiselles, Adieu le Choeur Pegasien, Adieu l'honneur Parnasien Venus la mignarde Deesse, De Paphe la belle Princesse, Et son petit fils Cupidon, Me maitrisent de leur brandon. Vos chansons n'ont point de puissance De me donner quelque allegeance Aus tourmens qui tiennent mon cour Genné d'une douce langueur Je n'ay que faire de vous, belles : Adieu, gentiles Damoiselles : Car ny pour voir des monceaus d'or Assemblez dedens un tresor, Ny pour voir flofloter le Rone, Ny pour voir escouler la Sone, Ny le gargouillant ruisselet, Qui coulant d'un bruit doucelet, A dormir, d'une douce envie, Sur la fresche rive convie : Ny par les ombreus arbrisseaus Le dous ramage des oiseaus Ny violons, ny espinettes, Ny les gaillardes chansonnettes, Ny au chant des gaies chansons Voir les garces et les garçons Fraper en rond, sans qu'aucun erre, D'un branle mesuré, la terre. Ny tout celà qu'a de joyeus Le renouveau delicieus ; Ny de mon cher Givés (qui m'ayme Comme ses yeus) le confort mesme. Mon cher Givés, qui comme moy Languit en amoureus émoy, Ne peuvent flater la langueur Qui tient genné mon povre coeur : Bien que la mignarde maitresse, Pour qui je languis en détresse, Contre mon amoureus tourment Ne s'endurcisse fierement : Et bien qu'ingrate ne soit celle, Celle gentile damoiselle Qui fait d'un regard bien humain, Ardre cent feus dedens mon sein. Mais que sert toute la caresse Que je reçoy de ma maitresse ? Et que me vaut passer les jours En telle esperance d'amours, Si les nuiz de mile ennuiz pleines Rendent mes esperances veines ? Et les jours encor plein d'ennuiz, Qu'absent de la belle je suiz, Quand je meurs, absent de la belle, Ou quand je meurs present pres d'elle N'osant montrer (o dur tourment!) Comme je l'ayme ardantement ? Celui vraiment est miserable Qu'amour, voire estant favorable, Rend de sa flame langoureus. Chetif quiconque est amoureus, Par qui si cher est estimee Une si legere fumee D'un plaisir suivi de si pres De tant d'ennuiz qui sont apres. Si ay je aussi cher estimee Une si legere fumee. |
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Olivier de Magny (1529 - 1561) |
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