Olivier de Magny |
Si je voulois par quelque effort Pourchasser la perte, ou la mort Du sire Aymon, et j'eusse envye Que sa femme luy fut ravie, Ou qu'il entrast en quelque ennuy, Je serois ingrat envers luy. Car alors que je m'en vois veoir La beaulté qui d'un doux pouvoir Le cueur si doucement me bralle, Le bon sire Aymon se reculle, Trop plus ententif au long tour De ses cordes, qu'à mon amour. Ores donq'il fault que son heur, Et sa constance et son honneur Sur mon luth vivement j'accorde, Pinsetant l'argentine corde Du luc de madame parfaict, Non celle que son mary faict. Cet Aymon de qui quatre filz Eurent tant de gloire jadis, N'eust en sa fortune ancienne Fortune qui semble à la tienne, Sire Aymon, car sans ses enfans Il n'eust poinct surmonté les ans. Mais toy sans en avoir onq'eu As en vivant si bien vaincu L'effort de ce Faucheur avare, Que quand ta memoire si rare Entre les hommes perira, Le Soleil plus ne reluira. O combien je t'estime heureux ! Qui vois les tresors plantureux, De ton espouze ma maistresse, Qui vois l'or de sa blonde tresse, Et les attraictz delicieux Qu'Amour descoche de ses yeux. Qui vois quand tu veulx ces sourciz, Sourciz en hebeine noirciz, Qui vois les beaultez de sa face, Qui vois et contemples sa grace, Qui la vois si souvent baler, Et qui l'ois si souvent parler. Et qui vois si souvent encor, Entre ces perles et cet or, Un rubis qui luyt en sa bouche, Pour adoucir le plus farouche, Mais un rubiz qui sçait trop bien La rendre à soy sans estre sien. Ce n'est des rubiz qu'un marchant Avare aux Indes va cerchant, Mais un rubiz qu'elle decore, Plus que le rubiz ne l'honnore, Fuyant ingrat à sa beaulté Les apastz de sa privaulté. Heureux encor qui sans nul soin Luy vois les armes dans le poing, Et brandir d'une force adextre, Ores à gauche, ores à dextre, Les piques et les braquemars En faisant honte au mesme Mars. Mais pour bien ta gloire chanter Je ne sçay que je doys vanter Ou ton heur en telle abondance, Ou la grandeur de ta constance, Qui franc de ses beaultez jouyr N'as que l'heur de t'en resjouyr. Tu peulx bien cent fois en un jour Veoir ceste bouche où niche amour, Mais de fleurer jamais l'aleine, Et l'ambre gris dont elle est pleine Alleché de sa douce voix, En un an ce n'est qu'une fois. Tu peulx bien cent fois en un jour Veoir ceste cuysse faicte au tour, Tu peux bien veoir encor ce ventre, Et ce petit amoureux antre Ou Venus cache son brandon, Mais tu n'as point d'autre guerdon. Puisses tu veoir souvent ainsi Les beaultez et graces aussi, Soit de son corps, soit de sa face, Et puisse-je prendre en ta place Les doux plaisirs et les esbatz Qu'on prend aux amoureux combatz. Et tousjours en toute saison, Puisses tu veoir en ta maison Maint et maint brave capitaine, Que sa beaulté chez toy ameine, Et tousjours, sire Aymon, y veoir Maint et maint homme de sçavoir. Et lors qu'avec ton tablier gras Et ta quenouille entre les bras Au bruict de ton tour tu t'esgayes, Puisse elle tousiours de mes playes, Que j'ay pour elle dans le cueur, Apaiser la douce langueur. |
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Olivier de Magny (1529 - 1561) |
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Portrait de Olivier de Magny | |||||||||