Paul Claudel |
(extrait) Ni Le marin, ni Le poisson qu'un autre poisson à manger Entraîne, mais la chose même et tout le tonneau et la veine vive. Et l'eau même, et l'élément même, je joue, je resplendis ! Je partage la liberté de la mer omniprésente ! L'eau Toujours s'en vient retrouver l'eau, Composant une goutte unique. Si j'étais la mer, crucifiée par un milliard de bras sur ses deux continents, À plein ventre ressentant la traction rude du ciel circulaire avec le soleil immobile comme la mèche allumée sous la ventouse. Connaissant ma propre quantité. C'est moi, je tire, j'appelle sur toutes mes racines, le Gange, le Mississipi, L'épaisse touffe de l'Orénoquc, le long fil du Rhin, le Nil avec sa double vessie, Et le lion nocturne buvant, et les marais, et les vases souterrains, et le cour rond et plein des hommes qui durent leur instant. Pas la mer, mais je suis esprit ! et comme l'eau De l'eau, l'esprit reconnaît l'esprit, L'esprit, le souille secret, L'esprit créateur qui fait rire, l'esprit de vie et la grande haleine pneumatique, le dégagement de l'esprit Qui chatouille et qui enivre et qui fait rire ! O que cela est plus vif et agile, pas à craindre d'être laissé au sec! Loin que j'enfonce, je ne puis vaincre l'élasticité de l'abîme. Comme du fond de l'eau on voit à la fois une douzaine de déesses aux beaux membres, Verdâtres monter dans une éruption de bulles d'air. Elles se jouent au lever du jour divin dans la grande dentelle blanche, dans le feu jaune et froid, dans la mer gazeuse et pétillante ! Quelle Porte m'arrêterait? quelle muraille? L'eau Odore l'eau, et moi je suis plus qu'elle-même liquide ! Comme elle dissout la terre et la pierre cimentée j'ai partout des intelligences ! L'eau qui a fait la terre la délie, l'esprit qui a fait la porte ouvre la serrure. Et qu'est-ce que l'eau inerte à côté de l'esprit, sa puissance Auprès de son activité, la matière au prix de l'ouvrier? Je sens, je flaire, je débrouille, je dépiste, je respire avec un certain sens La chose comment elle est faite ! Et moi aussi je suis plein d'un dieu, je suis plein d'ignorance et de génie ! O forces à l'ouvre autour de moi. J'en sais faire autant que vous, je suis libre, je suis violent, je suis libre à votre manière que les professeurs n'entendent pas ! Comme l'arbre au printemps nouveau chaque année Invente, travaillé par son âme, Le vert, le même qui est éternel, crée de rien sa feuille pointue. Moi. l'homme. Je sais ce que je fais. De la poussée et de ce pouvoir même de naissance et de création J'use, je suis maître, Je suis au monde, j'exerce de toutes parts ma connaissance. Je connais toutes choses et toutes choses se connaissent en moi. J'apporte à toute chose sa délivrance. Par moi Aucune chose ne reste plus seule mais je l'associe à une auue dans mon cour. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Paul Claudel (1868 - 1955) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Paul Claudel | |||||||||