Paul de Roux |
A mi-chemin du Symbolisme, dont il est l'un des fondateurs, et du Surréalisme, dont il est un «précurseur», Saint-Pol-Roux revient en 1936, à l'occasion du cinquantenaire du Symbolisme, sur l'école de 1886. Il insiste notamment sur la nécessaire pérennité de l'idéal symboliste, qui, au-delà de l'école proprement dite, se confond avec le sens même de la poésie. Quelle est, pour vous, la définition du Symbolisme ? Symbolisme signifie : Toute-la-Poésie. Par lui celle-ci s'est installée totale, intégrale, absolue parmi les hommes. Depuis le Symbolisme une divinité palpite entre les peuples. On ne vous comprend pas, nous a-t-on parfois objecté. Je riposte : vous ne comprenez pas parce que vous avez trop compris l'inutile fanfare du Naturalisme. Le Symbolisme nous a valu Toute-la-Poésie, ai-je dit. Ecoutez. Jusqu'ici la Poésie se formulait au moyen de rythmes créés par le poète prisonnier de la terre ; maintenant, grâce à son évasion sur les ailes de sa propre imagination, le poète se branche sur le rythme épars dans l'univers. Ainsi, libérée des écoles et de leurs dogmes, la Poésie se déploie dans une liberté mul-tiplement personnelle par le fait du poète adapté à la souveraineté multiple de la vie. Émettre un poème équivaut à faire de la vie. Au poème transitoire a succédé le poème universel. En vérité, ce n'est pas chose réalisée tout-à-fait encore, mais, du point de départ symboliste les poètes y parviendront à travers les voies déjà tracées par moi-même et par d'autres du simultanéisme, du surréalisme et des variés efforts qui suivront. Ce mouvement est-il achevé? Et, s'il est achevé, son influence est-elle éteinte ? Le mouvement symboliste n'est aucunement achevé. Ses cinquante ans ne constituent qu'un préliminaire. En marche sans cesse le Symbolisme progressera longtemps encore sous des appellations successives. Orienté vers l'avenir, il devient constamment à travers les embûches et les rires. Le Symbolisme est une personne vivante. Le Naturalisme se limitait aux chroniques du présent, le Symbolisme s'illimitera de plus en plus parmi les idées vierges du Mystère. Il a tout le temps devant lui pour vider l'Azur et grignoter l'Infini. Le naturaliste pratiquait le moment, le symboliste cultive l'éternité. Les poètes du Symbole sont les colonisateurs de l'Au-delà. Le Symbolisme apporte donc des trésors là où le Naturalisme ne faisait qu'exploiter sa propre marchandise. Par l'imagination le poète actuel devient le précurseur du Savant qui à son tour réalisera ce que l'on croit les «irréalités» du prophète. Déjà la Poésie s'affirme en précursion de la Science, autrement dit la Science organique a son aurore dans la Poésie divinatrice, révélatrice. Créateur premier sera le Poète nouveau, le Savant étant le créateur second. Le savant découvre, mais le poète invente. Le talent du savant n'est que la mise en matière du génie poétique. Le savant anime l'ouvre après que le poète a pensé le chef-d'ouvre. Le poète est l'esprit, le savant est le membre, et les deux ne font qu'un au grand regard de l'univers. L'influence du Symbolisme ne saurait donc s'éteindre. Il ne s'agit plus ici d'un sonnet ou d'un régime quelconque, du lyrisme en action dépend l'Apothéose de l'Humanité. |
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Paul de Roux (1937 - ?) |
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