Paul Eluard |
Nous avançons toujours Un fleuve plus épais qu'une grasse prairie Nous vivons d'un seul jet Nous sommes du bon port Le bois qui va sur l'eau l'arbre qui file droit Tout marché de raison bâclé conclu s'oublie Où nous arrêterons-nous Notre poids immobile creuse notre chemin Au loin les fleurs fanées des vacances d'autrui Un rien de paysage suffisant Les prisons de la liberté s'effacent Nous avons à jamais Laissé derrière nous l'espoir qui se consume Dans une ville pétrie de chair et de misère De tyrannie La paupière du soleil s'abaisse sur ton visage Un rideau doux comme ta peau Une aile salubre une végétation Plus transparente que la lune du matin Nos baisers et nos mains au niveau de nous-mêmes Tout au-delà ruiné La jeunesse en amande se dénude et rêve L'herbe se relève en sourdine Sur d'innocentes nappes de petite terre Premier dernière ardoise et craie Fer et rouille seul à seule Enlacés au rayon debout Qui va comme un aveu Écorce et source redressée L'un à l'autre dans le présent Toute brume chassée Deux autour de leur ardeur Joints par des lieues et des années Notre ombre n'éteint pas le feu Nous nous perpétuons. Au-dessous des sommets Nos yeux ferment les fenêtres Nous ne craignons pas la paix de l'hiver Les quatre murs éteints par notre intimité Quatre murs sur la terre Le plancher le plafond Sont des cibles faciles et rompues A ton image alerte que j'ai dispersée Et qui m'est toujours revenue Un monotone abri Un décor de partout Mais c'est ici qu'en ce moment Commencent et finissent nos voyages Les meilleures folies C'est ici que nous défendons notre vie Que nous cherchons le monde Un pic écervelé aux nuages fuyants au sourire éternel Dans leurs cages les lacs au fond des trous la pluie Le vent sa longue langue et les anneaux de la fraîcheur La verdure et la chair des femmes au printemps La plus belle est un baume elle incline au repos Dans des jardins tout neufs amortis d'ombres tendres Leur mère est une feuille Luisante et nue comme un linge mouillé Les plaines et les toits de neige et les tropiques luxueux Les façons d'être du ciel changeant Au fil des chevelures Et toujours un seul couple uni par un seul vêtement Par le même désir Couché aux pieds de son reflet Un couple illimité. |
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Paul Eluard (1895 - 1952) |
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Portrait de Paul Eluard | |||||||||
Biographie / OuvresEugène Grindel, dit Paul Eluard est né en 1895 à Saint-Denis. En décembre 1912, il doit interrompre ses études , et se rend en Suisse, pour soigner une tuberculose. Il y fait la connaissance d'une jeune fille russe, Helena Dmitrievna Diakonava, dont il tombe amoureux. Il la surnomme Gala et l'épouse en 1916. |
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