Paul Eluard |
Ne dites pas sur un chemin de pierre D'épaisses maisons fendues par la culture Ne dites pas j'ai honte un aigle irrespirable Vous prendrait à la gorge à la lampe des moissons de langues La peur comme une fleur flétrie au fil de l'eau La proue des nerfs contraire au vent Monarque ne te mets pas à genoux Illustre continent Aussi laid que cheval et bourgeois réunis Ne prends pas la forme d'une machine à faire le mort Prends garde aux géographies menaçantes des nouveaux délires Aux mains guidées par les odeurs feuillages et tenaces A l'oreille qui sort du parloir Aux caresses dictées par la pitié glacée des songes Si tu heurtais mon front Tu rejoindrais l'immensité à tête d'épingle. Les rouages les plus familiers se brisent Dans la main gantée des prisons Le mouvement luisant s'éteint des ombres passent Le chemin parcouru à grande allure Lorsque les tropiques voguaient sur la mer des étoiles Lorsque le ciel pavé d'oiseaux chantait dans les banlieues Vient échouer ici On avait mis le cap aux perles aux framboises Aux seins sensibles des merveilles Aux roses farouches de l'orage Et l'on apprend l'alphabet des ignorants. En souvenir d'un fauve au ralenti maté dompté On prend des chaînes pour limites On cultive l'art d'être heureux On appuie de temps en temps sur le levier complaisant du bien On met de l'eau dans son soleil. Pour rendre la tête à sa destinée Voici sauvage le délire aux ondées de lueurs Aux reflets opposés sur des lits verticaux et blafards Ciseaux de flammes jumelles Voici l'épouvantable ardeur de la parole qui n'est pas dite pour être entendue Le geste qui cherche le vide La chasse aux pendus la pêche aux noyés Les grands froids enragés la glu du désert La lutte à mort avec les apparences. Le crépuscule ce caméléon qui meurt Ce fou qui s'accroche à moi Il faudrait le mettre dans du coton Ne lui laisser qu'un oil et quoi encore Ma chambre s'est coiffée pour la nuit Elle est au seuil de ses vêtements de nuit Comme la pluie au début d'une fête Ma chambre se sépare de mon univers Et je ne connais plus que ce qui n'est pas là Il y avait une corbeille de lait chez une belle sorcière Dans une cachette avec des jouets incompréhensibles J'ai parlé de la glu du désert et le désert est une abeille De misérables petites absinthes végètent dans la sécheresse Dans la peau du silence paresseux Comme on parle de son malheur Avec des mots qui ne font mal qu'aux innocents Je sais aussi que les nuages la gorge lourde et basse Courbent des forêts vierges sur des mares de mousse Que l'océan bouge comme un cerceau qui tombe Les étoiles sont sur le pont Les plages épousées ne volent plus que d'une aile Je sais qu'il y avait chez une fille meilleure que le premier pain blanc Assez d'audace pour s'ouvrir à la vérité La vérité avec son cortège interminable D'évidences puériles. Des kilomètres de secondes A rechercher la mort exacte. Tranquilles objets familiers Nous descendrons dans une mine héroïque Nous en tirerons les verrous Nous avons fermé les volets Les arbres ne s'élèveront plus On ne fouillera plus la terre On ne nous déterrera pas Il n'y a plus de profondeurs Ni de surfaces. |
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Paul Eluard (1895 - 1952) |
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Portrait de Paul Eluard | |||||||||
Biographie / OuvresEugène Grindel, dit Paul Eluard est né en 1895 à Saint-Denis. En décembre 1912, il doit interrompre ses études , et se rend en Suisse, pour soigner une tuberculose. Il y fait la connaissance d'une jeune fille russe, Helena Dmitrievna Diakonava, dont il tombe amoureux. Il la surnomme Gala et l'épouse en 1916. |
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