Paul Eluard |
La simplicité même écrire Pour aujourd'hui la main est là. Il est extrêmement touchant De ne pas savoir s'exprimer D'être trop évidemment responsable Des erreurs d'un inconnu Qui parle une langue étrangère D'être au jour et dans les yeux fermés D'un autre qui ne croit qu'à son existence. Les merveilles des ténèbres à gagner D'être invisibles mais libératrices Tout entières dans chaque tête Folles de solitude Au déclin de la force et de la forme humaine Et tout est dans la tête Aussi bien la force mortelle que la forme humaine Et tout ce qui sépare un homme de lui-même La solitude de tous les êtres. Il faut voir de près Les curieux Quand on s'ennuie. La violence des vents du large Des navires de vieux visages Une demeure permanente Et des armes pour se défendre Une plage peu fréquentée Un coup de feu un seul Stupéfaction du père Mort depuis longtemps. Sans en être très fier en évitant mes yeux Cet abandon sans découvrir un grief oublié En évitant mes yeux il abaisse Les verres sur ses yeux L'animal abandonne sa proie Sa tête remue comme une jambe Elle avance elle recule Elle fixe les limites du rire Dégrafe les parterres de la dérision Toutes les choses semblables. Par-dessus les chapeaux Un régiment d'orfraies passe au galop C'est un régiment de chaussures Toutes les collections des fétichistes déçus Allant au diable. Des cataclysmes d'or bien acquis Et d'argent mal acquis. Tous ces gens mangent Ils sont gourmands ils sont contents Et s'ils rient ils mangent plus. Je dénonce un avocat je lui servirai d'accusé Je règne à tout jamais dans un tunnel. Alors L'eau naturelle Elle se meurt près des villas Le patron pourrait parler à son fils qui se tait Il ne parle pas tous les jours Le tout valable pour vingt minutes Et pour quatre personnes Vous enlève l'envie de rire Le fils passe pour un ivrogne. Les oiseaux parfument les bois Les rochers leurs grands lacs nocturnes. Gagner au jeu du profil Qu'un oiseau reste dans ses ailes. A l'abri des tempêtes une vague fume dans le soir. Une barre de fer rougie à blanc attise l'aubépine. Par leur intelligence et leur adresse Une existence normale Par leur étrange goût du risque Un chemin mystérieux A ce jeu dangereux L'amertume meurt à leurs pieds. Pourquoi les fait-on courir On ne les lait pas courir L'arrivée en avance Le départ en retard Quel chemin en arrière Quand la lenteur s'en mêle Les preuves du contraire Et l'inutilité. Une limaille d'or un trésor une flaque De platine au fond d'une vallée abominable Dont les habitants n'ont plus de mains Entraîne les joueurs à sortir d'eux-mêmes. Immobile J'habite cette épine et ma griffe se pose Sur les seins délicieux de la misère et du crime. Le salon à la langue noire lèche son maître Il rembaume il lui tient lieu d'éternité. Le passage de la Bérésina par une femme rousse à grandes mamelles. Il la prend dans ses bras Lueurs brillantes un instant entrevues Aux omoplates aux épaules aux sems Puis cachées par un nuage. Elle porte la main à son cour Elle pâlit elle frissonne Qui donc a crié? Mais l'autre s'il est encore vivant On le retrouvera Dans une ville inconnue. Le sang coulant sur les dalles Me fait des sandales Sur une chaise au milieu de la rue J'observe les petites filles créoles Qui sortent de l'école en fumant la pipe. Par retraites il faut que le béguinage aille au feu. Il ne faut pas voir la réalité telle que je suis. Par exception la calcédoine se laisse prendre A la féerie de la gueule des chiens. Toute la vie a coulé dans mes rides Comme une agate pour modelez Le plus beau des masques funèbres. Demain le loup fuira vers les sombres étoffes de ta peur Et d'emblée le corbeau renaîtra plus rouge que jamais Pour orner le bâton du maître de la tribu. Les arbres blancs les arbres noirs Sont plus jeunes que la nature Il faut pour retrouver ce hasard de naissance Vieillir. Soleil fatal du nombre des vivants On ne conserve pas ton coeur. Peut-il se reposer celui qui dort II ne voit pas la nuit ne voit pas l'invisible II a de grandes couvertures Et des coussins de sang sur des coussins de boue Sa tête est sous les toits et ses mains sont fermées Sur les outils de la fatigue Il dort pour éprouver sa force La honte d'être aveugle dans un si grand silence. Aux rivages que la mer rejette Il ne voit pas les poses silencieuses Du vent qui fait entrer l'homme dans ses statues Quand il s'apaise. Bonne volonté du sommeil D'un bout à l'autre de la mort. |
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Paul Eluard (1895 - 1952) |
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Portrait de Paul Eluard | |||||||||
Biographie / OuvresEugène Grindel, dit Paul Eluard est né en 1895 à Saint-Denis. En décembre 1912, il doit interrompre ses études , et se rend en Suisse, pour soigner une tuberculose. Il y fait la connaissance d'une jeune fille russe, Helena Dmitrievna Diakonava, dont il tombe amoureux. Il la surnomme Gala et l'épouse en 1916. |
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