Paul Eluard |
A l'heure où apparaissent les premiers symptômes de la viduité de l'esprit On peut voir un nègre toujours le même Dans une rue très passante arborer ostensiblement une cravate rouge Il est toujours coiffé du même chapeau beige Il a le visage de la méchanceté il ne regarde personne Et personne ne le regarde. Je n'aime ni les routes ni les montagnes ni les forêts Je reste froid devant les ponts Leurs arches ne sont pas pour moi des yeux je ne me promène pas sur des sourcils Je me promène dans les quartiers où il y a le plus de femmes Et je ne m'intéresse alors qu'aux femmes Le nègre aussi car à l'heure où l'ennui et la fatigue Deviennent les maîtres et me font indifférent à mes désirs A moi-même Je le rencontre toujours Je suis indifférent il est méchant Sa cravate doit être en fer forgé peint au minium Faux feu de forge Mais s'il est là par méchanceté Je ne le remarque que par désouvrement. Un évident besoin de ne rien voir traîne les ombres Mais le soir titubant quitte son nid Qu'est-ce que ce signal ces signaux ces alarmes On s'étonne pour la dernière fois En s'en allant les femmes enlèvent leur chemise de lumière De but en but un seul but nul ne demeure Quand nous n'y sommes plus la lumière est seule. Le grenier de carmin a des recoins de jade Et de jaspe si l'oil s'est refusé la nacre La bouche est la bouche du sang Le sureau tend le cou pour le lait du couteau Un silex a fait peur à la nuit orageuse Le risque enfant fait trébucher l'audace Des pierres sur le chaume des oiseaux sur les tuiles Du feu dans les moissons dans les poitrines Joue avec le pollen de l'haleine nocturne Taillée au gré des vents l'eau fait l'éclaboussée L'éclat du jour s'enflamme aux courbes de la vague Et dans son corset noir une morte séduit Les scarabées de l'herbe et des branchages morts. |
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Paul Eluard (1895 - 1952) |
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Portrait de Paul Eluard | |||||||||
Biographie / OuvresEugène Grindel, dit Paul Eluard est né en 1895 à Saint-Denis. En décembre 1912, il doit interrompre ses études , et se rend en Suisse, pour soigner une tuberculose. Il y fait la connaissance d'une jeune fille russe, Helena Dmitrievna Diakonava, dont il tombe amoureux. Il la surnomme Gala et l'épouse en 1916. |
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