Paul Valéry |
Anne qui se mélange au drap pâle et délaisse Des cheveux endormis sur ses yeux mal ouverts Mire ses bras lointains tournés avec mollesse Sur la peau sans couleur du ventre découvert. Elle vide, elle enfle d'ombre sa gorge lente, Et comme un souvenir pressant ses propres chairs, Une bouche brisée et pleine d'eau brûlante Roule le goût immense et le reflet des mers. Enfin désemparée et libre d'être fraîche, La dormeuse déserte aux touffes de couleur Flotte sur son lit blême, et d'une lèvre sèche, Tette dans la ténèbre un souffle amer de fleur. Et sur le linge où l'aube insensible se plisse, Tombe, d'un bras de glace effleuré de carmin, Toute une main défaite et perdant le délice A travers ses doigts nus dénoués de l'humain. Au hasard ! A jamais, dans le sommeil sans hommes Pur des tristes éclairs de leurs embrassements, Elle laisse rouler les grappes et les pommes Puissantes, qui pendaient aux treilles d'ossements, Qui riaient, dans leur ambre appelait les vendanges, Et dont le nombre d'or de riches mouvements Invoquait la vigueur et les gestes étranges Que pour tuer l'amour inventent les amants... |
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Paul Valéry (1871 - 1945) |
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Portrait de Paul Valéry | |||||||||