Paul-Louis Courier |
Nous dansons au son du violon ; mais ce n'est que depuis une certaine époque. Le violon était réservé jadis aux bals des honnêtes gens ; car d'abord il fut rare en France. Le grand roi fît venir des violons d'Italie, et en eut une compagnie pour faire danser sa cour gravement, noblement les cavaliers en perruque noire, les dames en vertugadin. Le peuple payait ses violons, mais ne s'en servait pas, dansait peu, quelquefois au son de la musette ou cornemuse, témoin ce refrain : « Voici le pèlerin jouant de sa musette : danse, Guillot ; saute, Perrette. » Nous, les neveux de ces Guillots et de ces Perrettes, quittant les façons de nos pères, nous dansons au son du violon, comme la cour de Louis le Grand. Quand je dis comme, je m'entends ; nous ne dansons pas gravement ni ne menons avec nos femmes, nos maîtresses et nos bâtards. C'est là la première remarque ; l'autre, la voici : Les gendarmes se sont multipliés en France, bien plus encore que les violons, quoique moins nécessaires pour la danse. Nous nous en passerions aux fêtes du village et à dire vrai ce n'est pas nous qui les demandons : mais le gouvernement est partout aujourd'hui, et cette ubiquité s'étend jusqu'à nos danses, où il ne se fait pas un pas dont le préfet ne veuille être informé pour en rendre compte au ministre. De savoir à qui tant de soins sont plus déplaisants, plus à charge, et qui en souffre davantage, des gouvernants ou de nous gouvernés, surveillés, c'est une grande question et curieuse, mais que je laisse à part, de peur de me brouiller avec les classes, ou de dire quelque mot tendant à je ne sais quoi. |
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Paul-Louis Courier (1772 - 1825) |
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Portrait de Paul-Louis Courier | |||||||||