Philippe Delaveau |
I Parfois le soleil écarte du miroir des fleuves Sa tête échevelée; dans le silence gris De l'horizon proche, la maison S'illumine avec ses fenêtres vives, Comme un navire dans la vendange noire de l'écume, Un soir de novembre ténébreux. Là-bas, Le père assis à la table, attend ceux qu'il appelle, Que tu vois cheminer sur les routes noyées; Et l'oiseau les survole, criant son pays clair. II Elle est bâtie sur le jarret des rocs; la mer Haletante, n'atteint pas ses murs. Ses fondations Sont secrètes comme le noud des racines. La pluie Ne fait que l'effleurer de ses doigts angoissés; mais le feu Règne à l'intérieur, maître de l'âtre et de l'or des visages. C'est la demeure fermée, le grain resplendissant Des constantes moissons; la cicatrice fraîche Sur le flanc de l'ombre; coquillage Que lèche le tuba de la mer infinie, arbre sans fin multiplié Depuis le terreau pourpre de Jessé, jusqu'aux étoiles. III Nous la construirons pour y revenir, Maison dans la clarté pourpre du soir, Lorsque le froid menace de toutes parts De ses loups qui hurlent à la face des neiges. Nous la bâtirons avec la joie de la mère, Assise au milieu des enfants du royaume. Le père Se penche au-dessus de la lampe à la porte d'entrée, Pour que l'or de la nuit résonne encore avec la terre. De loin, la maison brille comme un phare, Si bien que des navires s'y déroutent; Et des voyageurs esseulés s'y réchauffent - Au milieu des forêts qui ne cessent de croître, Avec leurs arbres morts et le jour triste du matin. IV Une main vieille gratte la flamme, dans la pièce Noire où nous étions réunis, transis de froid, perdus. Ténèbre où les arbres pleurent. Le gémissement Des arbres s'entend Jusqu'aux rivages solitaires. Une main vieille pose l'assiette Sur la table vétusté, la cruche d'eau, le pain, le lait Attiédi de la proche érable. Et toi, Sèche auprès du feu tes pieds qu'ont trempés Les cruelles ornières. Je t'attendais depuis toujours. |
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Philippe Delaveau (1950 - ?) |
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