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Philippe Delaveau |
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D'où viens-tu? ces cris de bête dans l'air crépusculaire Sont improbables comme l'eau qui s'étire sous l'haleine du ciel. La nuit efface le savoir d'un jour de doute et d'avancées, Nous saurons mieux à la fenêtre du soir, Qui nous sommes peut-être, venus de l'incendie, disais-tu le matin, Croyant l'heure clémente; les forces de ton corps intactes Pour la route (mais quelle joie?). La journée s'éloigne Sur la poussière, comme ces chars Qui titubent au loin, chargés de paille fraîche, sur l'autre rive, Avec les barques amarrées à des chaînes de rouille; et la maison Dont la cheminée sur le sable du ciel écrit les lettres du bonheur, On ne l'atteint jamais : la route verse Entre les joncs et les sureaux, et la nuit qui s'approche Est travaillée du hurlement des navires qui partent, Sur cette eau noire où les étoiles s'agenouillent. À cette époque vainement courait, Pourfendeur des nues, Orphée; Les mots se bousculaient sur la lyre. Il vit : la table au creux de la vallée Succombe sous le butin de la vendange. Ciels rouges, vieillissement des pommes, Je me souviens. Toujours est lente la moisson Après que le solitaire a lancé Sur le poème de la terre, la semence. Il se fait tard. Par la fenêtre Ouverte, le soleil s'épuise au-dessus des toitures. Et la nuit s'en revient, déserte, sur la pluie Des toits. Seul toujours avec l'ange Éployé, tel jette aux vitres écarlates, Au soir qui tombe sur les bronzes, Cet incendie de pages inutiles. Écrire est vain peut-être. Dans les enfers de Gloucester Road, L'écumant dieu des souterrains Fulmine en gerbes d'étincelles. Il fallait plus de science et moins de zèle, Savoir étreindre le poème avec les mots Chargés de vie, non de fureur. Le soleil montre un océan de plaines bleues. Toute sagesse Est lente à se mouvoir, ainsi les belles promeneuses Posent tranquillement l'une après l'autre Leurs chevilles dorées sur les pentes de la montagne. Le temple de bois blanc dans l'air léger, La nuit soyeuse où s'envole un corbeau. Subsistent : les mots incertains Se sont tus. Nous gravitons dans un souffle Éphémère. Qui se souvient d'Antigone recluse? Bérénice après que le navire eut disparu versa Des larmes silencieuses. Du papier blanc couvert De mots menus s'élève une flamme. L'hiver Etend sur le square ses brumes vaines. Loin, Eurydice toujours au cour des indistinctes nuits S'enfonce comme au fond de l'eau lente des songes, La pierre. Peut-être verrons-nous, entre les oliviers, L'ombre furtive d'Antigone. Derrière la fontaine asséchée, l'abreuvoir Est martelé par les jambes serviles des chevaux; elle se tait, Silencieuse et grave dans sa robe noire. La ville couvre la terre vierge, les vignes De murs en ciment gris, inachevés parfois; S'empare de vieilles rues ténébreuses; là-bas, assiège Le marbre lacéré des ruines, les acropoles qui tremblent Du silence des dieux. Mais les mythes survivent Parmi les herbes folles des places Désertées; dans la mémoire obscure des foules, les livres. Nous l'avons condamnée, mais nous l'aimions. Voici Sa sour aux cheveux courts qui nous tient tête, d'autres encore, Mais nous avions pour nous la loi dure, la pierre obstinée des coutumes. Ils se glissent avec l'oeil féroce des chats, à la tombée De la désespérance, dans l'enclos du soir. Sans fin S'exile le déchu quand l'aube lève sa toile; Ils se promènent au milieu de nous en quête d'ombre Où faire encore avec la douleur neuve et nue Dans le bois sacré des solitudes, résonner Les chants de leur outrance implacable. |
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Philippe Delaveau (1950 - ?) |
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