Philippe Delaveau |
Nous renoncerons à te voir, Ènée; aux splendeurs De l'automne, au feuillage éternel de l'arbre d'or D'où tombe le rameau pour des mains bienheureuses. Tu chemines Sur la pente insensible grevée de fumées noires : la cité sale Fume, ébruite dans l'air marin le trésor de ses mots En propos inutiles, détruit les mélodies, refuse D'admirer le ciel paisible qui la traverse, La paix qui loge au-dessus des toitures, le silence Que les arbres conservent jalousement. Au petit jour Les oiseaux qui ont connu le monde des genèses Bien avant que nos pas maladroits en défoncent La terre immaculée, les neiges et les bois, couvrent La partition de l'invisible nue de leurs chants réguliers : Ovide les connut en son lointain exil, et Virgile Enseignait au Dante, en lui montrant du doigt sur l'arbre Un rossignol, la grâce inépuisable du poème. Peut-être en notre solitude au-dessus des toits gris, Avons-nous oublié le vieux savoir, l'art D'entendre les voix à peine audibles des sources Qui parcourent la nuit de l'être en quête de mots simples, De rythme. Et nous nous enivrons d'images, nous lacérons Les lignes pures d'un visage incompris, tandis que Sur la terrasse couverte d'herbe, la pie Joyeusement sautille; deux pigeons à la robe laiteuse, Se dandinent sur l'angle allègre du toit, près de l'antenne. Alors, dans la lointaine déchirure, un peu du bleu si pâle De l'hiver, dégrafe le rideau qui cache le ciel. |
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Philippe Delaveau (1950 - ?) |
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