Philippe Delaveau |
Icare sur sa couche rêve de grains dorés, de soleils Mélangés aux tiges qui fléchissent : la femme Y mène ses chevilles nues sur les éteules qui la blessent; Et dans le cloître du verger, les fruits contemplent Le prochain sucre, longtemps après la gloire éphémère des fleurs. Le temps, chaque saison, nous appelle de sa voix déchirante Par ce nom de douleur qui reste au creux des pierres. Comme nos rêves les plus fous, les oies s'exilent Dont les vents ensemencent la plaine éloignée, Pays du feu barbare et des délices, régions nues Où nous aimerions voir surgir du flot marin, en sa très blonde Nudité, Vénus; où l'océan eût oublié des siècles de vestiges Qu'il efface et que d'autres marcheurs déposent - et nous Qu'il faudra bien mourir, et dépouillés, et seuls. Nous sommes nés de l'argile meuble et du temps, Mais conçus en dehors de ces jardins verts Où parmi des statues au regard bienveillant, la nuit Connaît encore et pour chacun de nous son nom d'éternité Que nos cours maladroits cherchent, bien vainement. L'or Dont n'eût jamais rêvé aucun des rois Qui rendent en mourant leur royaume à la terre, nous osons Le couver d'un regard pénétrant. Nous aimerions régner Sur des villes soumises; l'orgueil nous comble D'un plaisir amer. La solitude nous retrouve chaque soir, Douloureux et meurtris devant Lui sur le mur qui demande : Que t'ai-je fait? Ne t'ai-je pas aimé? Icare pendant qu'il tombe Se dépouille du dessein de puissance et se connaît. Nous serons étrangers à nous-mêmes d'abord, dans la splendeur Du mal; à la terre qui nous offre son refuge; Aux nuages qui tâtonnent, Puisque des continents les appellent, chargés de la rondeur de l'eau, Et qu'ils se rendent en cortège même la nuit dans de grands ciels Songeurs. Et plus nous élevons vers l'astre mort nos désirs lancinants, Plus nous étreint la soif, et nos pieds engourdis Se gonflent de ce poids qui nous entraîne au fond des mers. |
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Philippe Delaveau (1950 - ?) |
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