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Pierre Ambroise Choderlos de Laclos



épÎtre à margot - Poéme


Poéme / Poémes d'Pierre Ambroise Choderlos de Laclos





Pourquoi craindrais-je de le dire ?

C'est
Margot qui fixe mon goût :

Oui,
Margot ! cela vous fait rire ?

Que fait le nom ' ? la chose est tout.

Margot n'a pas de la naissance

Les titres vains et fastueux ;

Ainsi que ses humbles aïeux.

Elle est encor dans l'indigence ;

Et pour l'esprit, quoique amoureux.

S'il faut dire ce que j'en pense,

À ses propos les plus heureux,

Je préférerais son silence.

Mais
Margot a de si beaux yeux,

Qu'un seul de ses regards vaut mieux

Que fortune, esprit et naissance.

Quoi ! dans ce monde singulier,

Triste jouet d'une chimère,

Pour apprendre qui me doit me plaire,

Irai-je consulter d'Hozier?

Non, l'aimable enfant de
Cythère

Craint peu de se mésallier :

Souvent pour l'amoureux mystère,

Ce
Dieu, dans ses goûts roturiers,



Donne le pas à la
Bergère
Sur la
Dame aux seize quartiers.
Eh ! qui sait ce qu'à ma maîtresse
Garde l'avenir incertain?
Margot, encor dans sa jeunesse,
N'est qu'à sa première faiblesse.
Laissez-la devenir catin,
Bientôt, peut-être, le destin
La fera
Marquise ou
Comtesse ;
Joli minois, cour libertin
Font bien des titres de noblesse.
Margot est pauvre, j'en conviens :
Qu'a-t-elle besoin de richesse?
Doux appas et vive tendresse.
Ne sont-ce pas d'assez grands biens?
Trésors d'amour ce sont les siens.
Des autres biens, qu'a-t-on à faire ?
Source de peine et d'embarras.
Qui veut en jouir, les altère,
Qui les garde, n'en jouit pas.
Ainsi, malgré l'erreur commune,
Margot me prouve chaque jour
Que sans naissance et sans fortune.
On peut être heureux en amour.



Reste l'esprit...
J'entends d'avance
Nos beaux diseurs, docteuts subtils.
Se récrier : «
Quoi ! diront-ils.
Point d'esprit !
Quelle jouissance !
Que deviendront les doux propos,
Les bons contes, les jeux de mots.
Dont un amant, avec adresse.
Se sert auprès de sa maîtresse,
Pour charmer l'ennui du repos ?
Si l'on est réduit à se taire.
Quand tout est fait, que peut-on faire ? »
Ah ! les beaux esprits ne sont pas
Grands docteurs en cette science :
Mais voyez le bel embarras !



Quand tout est fait, on recommence.

Et même sans recommencer,

Il est un plaisir plus facile,

Et que l'on goûte sans penser :

C'est le sommeil, repos utile

Et pour les sens et pour le cour.

Et préférable à la langueur

De cette tendresse importune,

Qui n'abondant qu'en beaux discours,

Jure cent fois d'aimer toujours,

Et ne le prouve jamais qu'une.

Ô toi, dont je porte les fers,

Doux objet d'un tendre délire!

Le temps que j'emploie à t'écrire.

Est sans doute un temps que je perds ?

Jamais tu ne liras ces vers,

Margot, car tu ne sais pas lire :

Mais pardonne un ancien travers.

De penser, la triste habitude

M'obsède encore malgré moi,

Et je fais mon unique étude,

Au moins, de ne penser qu'à toi.

À mes côtés, viens prendre place ;

Le plaisir attend ton retour;

Viens, et je troque, dans ce jour,

Les lauriers ingrats du
Parnasse,

Contre les myrtes de l'Amour.

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Pierre Ambroise Choderlos de Laclos
(1741 - 1803)
 
  Pierre Ambroise Choderlos de Laclos - Portrait  
 
Portrait de Pierre Ambroise Choderlos de Laclos
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