Pierre de Ronsard |
Mon oil, mon cour, ma Cassandre, ma vie, Hé! qu'à bon droit tu dois porter d'envie A ce grand Roi, qui ne veut plus souffrir Qu'à mes chansons ton nom se vienne offrir. C'est lui qui veut qu'en trompette j'échange Mon luth, afin d'entonner sa louange *, Non de lui seul mais de tous ses aïeux. Qui sont là-haut assis au rang des Dieux. Je le ferai puisqu'il me le commande. Car d'un tel Roi la puissance est si grande, Que tant s'en faut qu'on la puisse éviter, Qu'un camp armé u y pourrait résister. Mais que me sert d'avoir tant lu Tibulle, l'roperce, Ovide, et le docte Catulle, Avoir tant vu Pétrarque et tant noté, Si par un Roi le pouvoir m'est ôté De les ensuivre, et s'il faut que ma lyre Fendue au croc ne m'ose plus rien dire? Doncques en vain je me paissais d'espoir De faire un jour à la Tuscane voir Que notre France, autant qu'elle, est heureuse A soupirer une plainte amoureuse; Lt pour montrer qu'on la peut surpasser, J'avais dé|à commencé de tracer Mainte Elégie à la façon antique. Mainte belle Ode, et mainte Bucolique. Car, à vrai dire, encore mon esprit N'est satisfait de ceux qui ont écrit En notre langue, et leur amour mérite Ou du tout rien, ou faveur bien petite. Non que je sois vanteur si glorieux D'oser passer les vers laborieux De tant d'amants qui se plaignent en France; Mais pour le moins j'avais bien espérance, Que si mes vers ne marchaient les premiers, Qu'ils ne seraient sans honneur les derniers. Car Ératon qui les amours descouvre, D'assez bon oil m'attirait à son ouvre. L'un trop enflé les chante grossement, L'un énervé les traîne bassement, L'un nous dépeint une dame paillarde, L'un plus aux vers qu'aux sentences regarde, Et ne put oncq, tant se sût déguiser, Apprendre l'art de bien Pétrarquiser. Que pleures-tu, Cassandre, ma douce âme? Encor Amour ne veut couper la trame Qu'en ta faveur je pendis au métier, Sans achever l'ouvrage tout entier. Mon Roi n'a pas d'une bête sauvage Sucé le lait, et son jeune courage, Ou je me trompe, a senti quelquefois Le trait d'Amour qui surmonte les Rois. S'il l'a senti, ma coulpe est effacée, Et sa grandeur ne sera courroucée, Qu'à mon retour des horribles combats, Hors- de son croc mon Luth j'aveigne * à-bas, Le pincetant, et qu'en lieu des alarmes Je chante Amour, tes beautés et mes larmes. Car l'arc tendu trop violentement. Ou s'alentit, ou se rompt vitement. Ainsi Achille, après avoir par terre Tant fait mourir de soudards en la guerre, Son Luth doré prenait entre ses mains Teintes encor de meurtres inhumains, Et vis-à-vis du fils de Ménétie, Chantait l'amour de Briséîs s'amie, Puis tout soudain les armes reprenait, Et plus vaillant au combat retournait. Ainsi, après que l'aïeul de mon maître * Hors des combats retirera sa dextre, Se désarmant dedans sa tente à part, Dessus le Luth à l'heure ton Ronsard Te chantera, car il ne se peut faire Qu'autre beauté lui puisse jamais plaire, Ou soit qu'il vive, ou soit qu'outre le port, Léger fardeau, Charon a le passe mort. |
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Pierre de Ronsard (? - 1585) |
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Portrait de Pierre de Ronsard | |||||||||
Biographie1524 - (10 ou 11 septembre) : naissance au château de la Posson-nière (Couture, Loir-et-Cher). Orientation bibliographique |
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