Pierre de Ronsard |
Sire, ce n'est pas tout que d'être Roi de France, Il faut que la vertu honore votre enfance : Un Roi sans la vertu porte le sceptre en vain, Qui ne lui sert sinon un fardeau dans la main. Pour ce on dit que Thétis, la femme de Pelée, Après avoir la peau de son enfant brûlée, Pour le rendre immortel, le prit en son giron, Et de nuit l'emporta dans l'antre de Chiron, Chiron noble Centaure, afin de lui apprendre Les plus rares vertus dès sa jeunesse tendre, Et de science et d'art son Achille honorer. Un roi pour être grand ne doit rien ignorer : Il ne doit seulement savoir l'art de la guerre, De garder les cités, ou les ruer par terre, De piquer les chevaux, ou contre son harnois Recevoir mille coups de lances aux tournois;... Les Rois les plus brutaux telles choses n'ignorent, Et par le sang versé leurs couronnes honorent ; Tout ainsi que lions qui s'estiment alors De tous les animaux être vus les plus forts, Quand ils ont dévoré un cerf au grand corsage Et ont rempli les champs de meurtre et de carnage. Mais les princes mieux nés n'estiment leur vertu Procéder ni de sang ni de glaive pointu, Ni de harnois ferrés qui les peuples étonnent, Mais par les beaux métiers que les Muses nous donnent. Quand les Muses, qui sont filles de Jupiter, Dont les Rois sont issus, les Rois daignent chanter, Elles les font marcher en toute révérence, Loin de leur Majesté bannissant l'ignorance, Et tout remplis de grâce et de divinité, Les font parmi le peuple ordonner équité.... Il faut premièrement apprendre à craindre Dieu, Dont vous êtes l'image, et porter au milieu De votre cour son nom et sa sainte parole, Comme le seul secours dont l'homme se console. . En après, si voulez en terre prospérer, Vous devez votre mère humblement honorer, La craindre et la servir, qui seulement de mère Ne vous sert pas ici, mais de garde et de père. Après, il faut tenir la loi de vos aïeux, Qui furent Rois en terre et sont là-haut aux Cieux, Et garder que le peuple imprime en sa cervelle Le curieux discours d'une secte nouvelle. Après, il faut apprendre à bien imaginer, Autrement la raison ne pourrait gouverner; Car tout le mal qui vient à l'homme prend naissance Quand par sus la raison le cuider a puissance.... Malheureux sont les Rois qui fondent leur appui Sur l'aide d'un commis, qui par les yeux d'autrui Voient l'état du peuple, et oyent par l'oreille D'un flatteur mensonger qui leur conte merveille. Tel Roi ne règne pas, ou bien il règne en peur, D'autant qu'il ne sait rien, d'offenser un trompeur. Mais, Sire, ou je me trompe en voyant votre grâce, Ou vous tiendrez d'un Roi la légitime place : Vous ferez votre charge, et comme un Prince doux, Audience et faveur vous donnerez à tous. Votre palais royal connaîtrez en présence, Et ne commettrez point une petite offense. Si un pilote faut tant soit peu sur la mer, Il fera dessous l'eau le navire abîmer, Si un monarque faut tant soi peu, la province Se perd; car volontiers le peuple suit le Prince. Aussi pour être Roi vous ne devez penser Vouloir comme un tyran vos sujets offenser. De même notre corps votre corps est de boue; Des petits et des grands la Fortune se joue : |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Pierre de Ronsard (? - 1585) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Pierre de Ronsard | |||||||||
Biographie1524 - (10 ou 11 septembre) : naissance au château de la Posson-nière (Couture, Loir-et-Cher). Orientation bibliographique |
|||||||||