La quenouille - Poéme

Quenouille, de
Ballas la compagne et l'amie,
Cher présent que je porte à ma chère
Marie,
Afin de soulager l'ennui qu'elle a de moi.
Disant quelque chanson en filant dessur toi,
Faisant pirouetter à son huis amusée,
Tout le jour son rouet et sa grosse fusée *,
Quenouille, je te mène où je suis arrêté :
Je voudrais racheter par toi la liberté.
Tu ne viendras es mains d'une mignonne oisive,
Qui ne fait qu'attifer sa perruque lascive,
Et qui perd tout son temps à mirer et farder
Sa face, à celle fin qu'on l'aille regarder.
Mais bien entre les mains d'une dispote * fille
Qui dévide, qui coud, qui ménage et qui file
Avecques ses deux sours pour tromper ses ennuis,
L'hiver devant le feu, l'été devant son huis.
Aussi je ne voudrais que toi.
Quenouille, faite
En notre
Vendômois, ou le peuple tegrette
Le jour qui passe en vain, allasses en
Anjou
Pour demeurer oisive et te rouiller au clou.
Je te puis assurer que sa main délicate
Filera dextrement quelque drap d'ecarlate,
Qui si fin et si souef * en sa laine sera.

Que pour un jour de fête un
Roi le vêtira.
Suis-moi donc, tu seras la plus que bienvenue,
Quenouille, des deux bouts et grêlette et menue,
Un peu grosse au milieu où la filasse tient Étreinte d'un ruban qui de
Montoire vient.
Aime-laine, aime-fil, aime-étain, maisonnière *,
Longue,
Palladienne *, enflée, chansonnière *,
Suis-moi, laisse
Cousture, et allons à
Bourgueil,
Où,
Quenouille, on te doit recevoir d'un bon oil,
Car le petit présent qu'un loyal ami donne
Passe des puissants
Rois le sceptre et la couronne.