Pierre de Ronsard |
Fameux Ulysse, honneur de tous les Grecs, De notre bord approche-toi plus près, Ne cingle point sans prêter les oreilles A nos chansons, et tu oirras merveilles. Nul étranger de passer a souci Par cette mer sans aborder ici, Et sans contraindre un petit son voyage, Pour prendre port à notre beau rivage. Puis tout joyeux les ondes va tranchant, Ravi d'esprit, tant doux est notre chant, Ayant appris de nous cent mille choses, Que nous portons en l'estomac encloses. Nous savons bien tout cela qui s'est fait. Quand Ilion par les Grecs fut défait; Nous n'ignorons une si longue guerre, Ni tout cela qui se fait sur la terre. Doncques retiens ton voyage entrepris, Tu apprendras, tant sois-tu bien appris. Ainsi disait le chant de la Serene, Pour arrêter Ulysse sur l'arène, Qui, attaché au mât, ne voulut pas Se laisser prendre à si friands appâts, Mais en fuyant la voix voluptueuse, Hâta son cours sur l'onde tortueuse, Sans par l'oreille humer cette poison Qui des plus grands offense la raison. Ainsi, Jamin, pour sauver ta jeunesse, Suis le conseil du fin soldat de Grèce : N'aborde point au rivage d'Amour, Pour y vieillir sans espoir de retour. L'Amour nVstrien qu'ardente frénésie, Qui de fumée emplit la fantaisie D'erreur, de vent et d'un songe importun, Carie songer et l'Amour, ce n'est qu'un. CHANSON Douce Maîtresse, touche, Pour soulager mon mal, Ma bouche de ta bouche Plus rouge que coral; Que mon col soit pressé De ton bras enlacé. Puis, face dessus face, Regarde-moi les yeux, Afin que toa trait passe En mon cour soucieux, Cour qui ne vit sinon D'Amour et de ton nom. Je l'ai vu fier et brave, Avant que ta beauté Pour être son esclave Du sein me l'eût ôté; Mais son mal lui plaît bien, Pourvu qu'il meure tien. Belle, par qui je donne A mes yeux tant d'émoi. Baise-moi, ma mignonne, Cent fois rebaise-moi : Et quoi ? faut-il en vain Languir dessus ton sein? Maîtresse, je n'ai garde De vouloir t'éveiller. Heureux quand je regarde Tes beaux yeux sommeiller, Heureux quand je les voi Endormis dessus moi. Veux-tu que je les baise Afin de les ouvrir? Hàl tu fais la mauvaise Pour me faire mourir Je meurs entre tes bras. Et s'il ne t'en chaut * pas I Hàl ma chère ennemie. Si tu veux m'apaiser, Redonne-moi la vie Par l'esprit d'un baiser. Hà! j'en sens la douceur Couler jusques au cour. J'aime la douce rage D'amour continuel, Quand d'un même courage Le soin est mutuel. Heureux sera le jour Que je mourrai d'amour! |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Pierre de Ronsard (? - 1585) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Pierre de Ronsard | |||||||||
Biographie1524 - (10 ou 11 septembre) : naissance au château de la Posson-nière (Couture, Loir-et-Cher). Orientation bibliographique |
|||||||||