Pierre de Ronsard |
Vu que ce marbre enserre un corps qui fut plus beau Que celui de Narcisse, ou celui de Clitie, Je suis émerveillé qu'une fleur n'est sortie, Comme elle fit d'Ajax , du creux de ce tombeau. GÉNIE L'ardeur qui reste encore, et vit en ce flambeau, Ard * la terre d'amour, qui si bien a sentie La flamme, qu'en brasier elle s'est convertie, Et sèche ne peut rien produire de nouveau. Mais si Ronsard voulait sur sa Marie épandre Des pleurs pour l'arroser, soudain l'humide cendre Une fleur du sépulchre enfanterait au jour. PASSANT A la cendre on connaît combien vive était forte La beauté de ce corps, quand mêmes étant morte Elle enflamme la terre et la tombe d'amour. VI Hal Mort, en quel état maintenant tu me changes Pour enrichir le Ciel tu m'as seul appauvri, Me dérobant les yeux desquels j'étais nourri. Qui nourrissent là-haut les astres et les anges. Entre pleurs et soupirs, entre pensers étranges, Entre le désespoir tout confus et marri. Du monde et de moi-même et d'Amour je me ri. N'ayant autre plaisir qu'à chanter tes louanges. Hélas! tu n'es pas morte, hél c'est moi qui le suis. L'homme est bien trépassé, qui ne vit que d'ennuis, Et des maux qui me font une éternelle guerre. Le partage est mal fait : tu possèdes les deux, Et je n'ai, malheureux, pour ma part que la terre. Les soupirs en la bouche, et les larmes aux yeux. VII Quand je pense à ce jour, où je la vis si belle Touic flamber d'amour, d'honneur et de vertu. Le regret, comme un irait mortellement pointu, Me iraverse le cour d'une plaie éternelle. Alors que l'espérais la bonne grâce d'elle, Amour a mon espoir par la mort combattu; La mort a son beau corps d'un cercueil icvétu. Dont l'espérais la paix de ma longue querelle *. Amour, tu es enfant inconstant et léger; Monde, m es trompeur, piqueur et mensonger, Décevant d'un chacun l'attente et le courage. Malheureux qui se fie en l'Amour et en loi! Tous deux comme la mer vous n'avez point de foi La mer tou|ours par|ure. Amour toujours volage. VIII Homme ne peut mourir par la douleur transi. Si quelqu'un trépassait d'une extrême tristesse. Je fusse déjà mort pour suivre ma maîtresse; Mais en lieu de mourir |e vis par le souci. Le penser, le regret et la mémoire aussi D'une telle beauté, qui pour les deux nous laisse, Me fait vivre, croyant qu'elle est ores * Déesse, Et que du Gel là-haut elle me voit ici. Elle se souriant du regret qui m'aflole, Ln vision, la nuit, sur mon lu >e la voi. Qui mes larmes essuie, et ma peine console. Et semble qu'elle a soin des maux que )e reçoi. Dormant ne me déçoit, car ç la tecognoi A la main, à la bouche, aux yeux, â la parole. IX Deux puissants ennemis me combattaient alors Que ma Dame vivait : l'un dans le ciel se serre, De Laurier triomphant; l'autre dessous la terre Un Soleil d'Occident reluit entre les morts *. C'était la chasteté, qui rompait les efforts . D'Amour et de son arc qui tout bon cour enferre, Et la douce beauté qui me faisait la guerre, De l'oeil par le dedans, du ris * par le dehors. La Parque maintenant cette guerre a défaite : La terre aime le corps, et de l'âme parfaite Les Anges de là sus se vantent bienheureux. Amour d'autre lien ne saurait me reprendre. Ma flamme est un sépukhre, et mon cour une cendre, I Et par la Mort je suis de la Mort amoureux. |
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Pierre de Ronsard (? - 1585) |
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Portrait de Pierre de Ronsard | |||||||||
Biographie1524 - (10 ou 11 septembre) : naissance au château de la Posson-nière (Couture, Loir-et-Cher). Orientation bibliographique |
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