L'épopée détournée - Poéme

...
Comme le feu caché sous les fougères,
Qu'aux mois d'hiver les peureuses bergères
D'un devarueau vont et revont soufflant
Feuille sur feuille, et largement enflant
Poumons et gorge, à toute peine éventent ;
D'un petit trac mille flammes s'augmentent
En longue pointe : à la fin un grand feu
En se suivant s'allonge peu à peu,
Brûle les champs et, d'une torte voie,
Jusques au ciel une fumée envoie,
Trouble d'éclairs : le feu victorieux
Règne au sommet des chênes les plus vieux...





..
En la façon qu'elle était habillée,

Nu-pieds, sans robe, affreuse, échevelée,

Délibéra, contre le mal d'amour,

De voir sa sour et demander secours.

Elle courut comme son pied la porte,

Mais aussitôt qu'elle fut à la porte,

Se recula, comme le pèlerin

Qui de fortune a trouvé par chemin

Un long serpent horrible d'une crête

Qui siffle, écume et s'enfle de la tête,

Faisant mourir les herbes du toucher :

Il se recule et n'ose en approcher.

Ainsi tourna la pucelle en arrière.

Dessus la langue elle avait la prière,

La larme à l'oil, le souci sur le front,

Dedans l'esprit un pensement profond,

Et maint sanglot se crevait en sa bouche,

Quand trop d'amour, qui la touche et retouche,

Qui compagnon ses pas allait suivant,

Fit avancer ses jambes en avant,

Et derechef la honte les recule,

L'honneur la gèle et le désir la brûle...



...
Ils sont longtemps sans deviser ensemble,

Tous deux muets, l'un devant l'autre assis.

Ainsi qu'on voit, quand l'air est bien rassis,

Deux pins plantés aux deux bords du rivage

Ne remuer ni cime ni feuillage,

Cois et sans bruit en attendant le vent,

Mais quand il souffle et les pousse en avant,

L'un près de l'autre en murmurant se jettent

Cime sur cime, et ensemble caquettent :

Ainsi devaient babiller à leur tour

Les deux amants dessous le vent d'amour...