Pierre de Ronsard |
Non la chaleur de la terre qui fume Aux jours d'été lui crevassant le front ; Non l'Avant-Chien qui tarit jusqu'au fond Les tièdes eaux, qu'ardant de soif il hume ; Non ce flambeau qui tout ce monde allume D'un bluetter qui lentement se fond ; Bref, ni l'été ni ses flammes ne font Ce chaud brasier qui mes veines consume. Vos chastes feux, esprits de vos beaux yeux, Vos doux éclairs qui réchauffent les deux, De mon brasier éternisent la flamme ; Et soit Phébus attelé pour marcher Devers le Cancre ou bien devers l'Archer, Votre oil me fait un été dedans l'âme. Amours de Cassandre Soit que son or se crêpe lentement, Ou soit qu'il vague en deux glissantes ondes, Qui çà, qui là, par le sein vagabondes, Et sur le col, nagent folâtrement. Ou soit qu'un noud illustré richement De maints rubis et maintes perles rondes Serre les flots de ses deux tresses blondes, Mon cour se plaît en son contentement. Quel plaisir est-ce, ainçois quelle merveille, Quand ses cheveux troussés dessus l'oreille D'une Vénus imitent la façon ? Quand d'un bonnet son chef elle adonise Et qu'on ne sait s'elle est fille ou garçon, Tant sa beauté en tous deux se déguise ? Amours de Marie Marie, levez-vous, ma jeune paresseuse, Jà la gaie alouette au ciel a fredonné, Eijà le rossignol doucement jargonné, Dessus l'épine assis, sa complainte amoureuse. Sus ! Debout ! Allons voir l'herbelette perleuse, Et votre beau rosier de boutons couronné, Et vos oillets mignons auxquels aviez donné Hier au soir de l'eau, d'une main si soigneuse. Hier soir en vous couchant vous jurâtes vos yeux D'être plus tôt que moi ce matin éveillée, Mais le dormir de l'aube, aux filles gracieux, Vous tient d'un doux sommeil encor les yeux sillés. Çà ! çà ! Que je les baise et votre beau tétin, Cent fois, pour vous apprendre à vous lever matin. Amours de Marie Amour étant marri qu'il avait ses sagettes Tiré contre Marie et ne l'avait blessée, Par dépit dans un bois sa trousse avait laissée, Tant que pleine elle fut d'un bel essaim d'avettes. Jà de leurs piquerons ces captives mouchettes, Pour avoir liberté la trousse avaient percée, Et s'enfuyaient, alors qu'Amour l'a renversée Sur la face à Marie, et sur ses mamelettes. Soudain, après qu'il eut son carquois déchargé, Tout riant sautela, pensant s'être vengé De celle à qui son arc n'avait su faire outrage. Mais il riait en vain, car ces filles du ciel, En lieu de la piquer, baisant son beau visage, En amassaient les fleurs et en faisaient du miel. Ma petite colombelle, Ma petite toute belle, Mon petit oil, baisez-moi. D'une bouche toute pleine D'amours, chassez-moi la peine De mon amoureux émoi. Quand je vous dirai, mignonne : « Approchez-vous, qu'on me donne Neuf baisers tout à la fois », Donnez-m'en seulement trois, Tels que Diane guerrière Les donne à Phébus son frère Et l'Aurore à son vieillard ; Puis reculez votre bouche, Et bien loin d'être farouche, Fuyez d'un pied frétillard. Comme un taureau par la prée Court après son amourée, Ainsi tout plein de courroux, Je courrai fol après vous. Et prise, d'une main forte Vous tiendrai de telle sorte Qu'un aigle, un pigeon tremblant. Lors faisant de la modeste, Odes, livre II De me redonner le reste Des baisers ferez semblant. Mais en vain serez pendante Toute à mon col, attendante, Tenant un peu l'oil baissé, Pardon de m'avoir laissé. Car en lieu de six, adoncques J'en demanderai plus qu'onques Tout le ciel d'étoiles n'eut, Plus que d'arène poussée Aux bords, quand l'eau courroucée Contre les rives s'émeut. |
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Pierre de Ronsard (? - 1585) |
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Portrait de Pierre de Ronsard | |||||||||
Biographie1524 - (10 ou 11 septembre) : naissance au château de la Posson-nière (Couture, Loir-et-Cher). Orientation bibliographique |
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