Pierre Garnier |
Seuls quelques-uns le peuvent. Connaître la joie Par la route blanche de la misère. Solitaires Comme Dieu qui ne brise pas son silence ils voient Les formes fleurs des sens les barques leurs chaînes. Seuls quelques-uns le peuvent. Retenir ce fleuve Qui emporte les autres. S'y noyer parfois Pour revivre. Temps simultané ici et là. En bas Jésus prêchant et plus haut la colline. Seuls quelques-uns le peuvent. Ils font l'histoire. Les rois meurent, les provinces cessent, les soldats De la révolution descendent en auto l'espoir. Seuls quelques-uns le peuvent. Écrire le Livre. Solitaires fragiles sous les terribles pas. Aucun phare n'éclaire leur lourde nuit marine. Nous eûmes une belle jeunesse. Il advint Que par amour nous voulûmes mourir. Folie. Sur les trente ans on nous arracha les deux mains. Mais pour rire on nous laissa notre vie. Tel II fut. Je viens de relire Aristophane. C'est effrayant et vert comme rien n'a vieilli. Prends le vase, jette ces roses qui se fanent. Les fleurs les plus fraîches ne passent pas midi. Et toujours ces questions si vieilles que nous sommes Fatigués de ne pas répondre. Faire la somme De nos connaissances, de nos amours, de nos chants, Vivre et être vécu n'est pas une réponse, Et Dieu, cela fait si longtemps ! Où est-Il ? Perspectives finales : midi - la mer... Nous eûmes une belle jeunesse. On perça Notre cour qui n'avait pas fini de mourir. Sur notre enfance passèrent les soldats. Nous eûmes honte. L'homme par nous n'a pas fini de souffrir. Nous crûmes à la révolution. Nous eûmes Notre petite croyance. Un congrès cassa La tige. Au lieu de voir les fleurs nous vîmes les monstres. Nous serons morts lors de l'autre printemps. Nous eûmes une belle jeunesse. La honte. Puis un amour qui fut une honte. Et le silence. Un-deux les jambes, trois les bras, on remonte Et on redescend. Nous eûmes une belle jeunesse. Beaucoup de pas dans le monde immobile - Le poids de l'immobilité dans chacun de nos pas. Seuls voyagent ceux qui ne se prostituent pas. Christ, nous sommes tous entrés dans l'heure blanche De la prostitution. Le poids de l'eau est dans nos pas. Nous adorons cet océan qui se déhanche. T'ai-je aimé qui fus dans le mystère Du saint des saints où l'or porte le bleu. Ai-je aimé Ton Visage qui sut couvrir la terre Moi qui ne sais plus rien d'Angkor ou de Philae ? Je vois. Des navires finnois déchargent dans mon port. Mes filets sont légers de tant de blessures. Tu parles une langue d'algues et de murmures. Insurrection, vigueur, mais où plus rien ne reste à vaincre ? Je vis si loin du chaud où montent les colonnes - Je vends mes mots et je devine, au fond, des hommes. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Pierre Garnier (1928 - ?) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Pierre Garnier | |||||||||