Pierre Le Moyne |
Lettre XI Sous l'étage de l'air est l'étage de l'onde, Ample et riche ornement de la scène du monde, Où du grand artisan la grandeur se fait voir Comme dans un mobile et liquide miroir, Qui, tantôt en repos, et tantôt en tourmente, Sa clémence et son ire aux humains représente. Qu'il est plaisant à voir, quand les flots aplanis Et comme un marbre égal au niveau réunis Paraissent une glace ondoyante et fidèle, Qui se change en rubis sous l'aurore nouvelle ! Le soleil vient après, qui fait de ses rayons, Sur ce mobile champ, mille rares crayons. Pour ne point apporter de trouble à son ouvrage Et recevoir à plein les traits de son image, L'élément s'aplatit et prête à ses pinceaux, Sans rides et sans plis, la surface des eaux. Là, de soi-même il fait une ardente figure Qui montre deux soleils aux yeux de la nature. Les pilotes surpris de leur égalité Ont peine à distinguer le vrai de l'imité; Et l'on dirait, à voir les arbres du rivage S'incliner à tous deux et battre leur feuillage, Que l'amour naturel qu'ils ont pour le soleil Les porte encore à faire honneur à son pareil. Les poissons, d'autre part, accourent à la foule À ce nouveau soleil qui s'allumant s'écoule; Les miroirs naturels dont ils sont écaillés Brillent à la lueur de leurs dos émaillés, Et les plis qui sur eux en cercles s'arrondissent La nuance et l'éclat au loin en réfléchissent. La terre est mise au centre, et fait le fondement Dans le corps de ce vaste et riche bâtiment. Mais quoique la moins noble elle n'ait en partage Que les ameublements qui sont du bas étage, Elle a de quoi pourtant et se faire admirer, Et de son grand structeur la puissance adorer. Qui ne l'admirerait, cette masse immobile, Qui sans gond, sans pivot, sans support et sans pile, De poussière formée, et suspendue en l'air, Des vents toujours battue, et des flots de la mer, Ferme à l'assaut des vents, ferme à l'assaut de l'onde, Subsiste de son poids dans le vide du monde? Mais qui n'adorerait le strufteur tout-puissant Qui sans matériaux, sans outils bâtissant, A si bien aligné le plan de cette masse, L'a si bien sur un point affermie en sa place, A pris avec tant d'art de ses dimensions L'exaéte symétrie et les proportions, Et l'a dans l'air assise, en si juste distance, Du cercle qui la ceint de sa circonférence, Qu'également partout à ses points répondant Et d'un égal aspeét le ciel la regardant, Elle en reçoit aussi, d'une influence égale, Qui jamais ne s'épuise et vient sans intervalle, L'Esprit qui de son sein, par ses veines, s'épand Et quoique vierge, mère et nourrice la rend. |
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Pierre Le Moyne (1602 - 1672) |
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