Pierre Motin |
Toi qui gouvernes seule et le ciel et la terre Qui fais diversement le repos et la guerre, Qui habites partout et n'as point de séjour, Je te révère, ô sainte et déesse Inconstance, Arbitre des humains contraire à l'espérance, Et la fidèle sour de Fortune et d'Amour! Je veux dans un tableau la Nature pourtraire ', J'y peindrai la fortune et le change ordinaire De tout ce qui se voit sous la voûte des cieux. L'Amour y sera peint d'une forme nouvelle, Non comme de coutume avec une double aile, Je lui en donne autant comme Argus avait d'yeux. L'on y verra la mer et les ondes émues. L'arc avec ses éclairs, son tonnerre et ses nues, Le feu prompt et léger vers le ciel aspirant, Girouettes, moulins, oiseaux de tous plumages, Papillons, cerfs, dauphins, et des conins * sauvages Qui perdent de leurs trous la mémoire en courant. Des fantômes, des vents, des songes, des chimères, Sablons toujours mouvants, tourbillons et poussières, Des pailles, des rameaux, et des feuilles des bois, Et si je le pouvais, j'y peindrais ma pensée, Mais elle est trop soudain de mon esprit passée, Car je ne pense plus à ce que je pensais. Si c'est un astre d'or qui me fait variable, J'aime de ses regards l'influence agréable, Et ne m'aimerais pas si j'étais autrement; Mon esprit est léger, car ce n'est rien que flamme, Et si pour tout le monde il n'est qu'une seule âme, L'Âme de tout le monde est le seul mouvement. Aussi n'est-ce que fable et que vaine parole De dire qu'il y ait je ne sais quel Éole Qui enferme le vent et lui donne la loi; Si dedans quelque lieu un tel esprit s'arrête, Ce n'est point autre part sinon que dans ma tête, Et les dieux n'ont point fait d'autre Éole que moi. |
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Pierre Motin (1566 - 1612) |
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