Pierre Reverdy |
Le point de l'appareil montre le regard fixe Le regard Le hasard des mots venant au bout des doigts du monstre Le retard du lever de la toile Sous les lampes vides et presques mortes Dans le vent plein d'eau et de secrets Il vient des rues fermées du faubourg noir qui rampe Il vient des boulevards que traverse de loin un passant attardé Il sort du trou grillé où l'odeur de la ville s'engouffre tout le jour Il naît et meurt entre les mille murs Mais il monte aussi haut et aussi bien que l'air du large Plein de lampes de suie et de brouillard Dans ce ciel des lueurs s'agglomèrent en boule aux quatre coins Sur ces rampes filent des paquets de foule qui hurlent contre les toiles raides et claquent des dents Car tout se passe aux plus hautes températures à toutes les hauteurs Comme si les rougeurs des langues et des lèvres remplaçaient le mercure Pourtant les joues sont en feu sous la pluie tamisée mêlée d'éclairs Personne ne se lasse que cette exposition représente pendant des kilomètres des visions répétées de parades foraines Même certaines de ces innombrables têtes se laissent aller par moment et s'endorment Ce qui peut alors laisser croire que le tableau s'est animé Les lutteurs semblent avoir une peau réelle qui se gonfle On voit frissonner les cordes et les nerfs On entend aussi les voix des portes La lumière tremble Et le bruit meurt Tout recommence Enfin c'est cette vie qui en réalité n'existe pas Ce qui avance ce sont ces têtes innombrables Ce qui bouge ce sont ces épaules qui plient sous le brouillard Et ce qui brille ce sont les yeux vivants des spectateurs Le reste est aussi mort que les grandes façades Aussi muet que l'angle du trottoir Il y a derrière un appareil qui fixe le regard Une machine à part qui fait tourner la terre Un mouvement de vague aussi faux que le rouge du fard le sang contre la joue la main autour du marbre Et la nuit trop épaisse qui écrase la tour Là dedans personne ne verra ce qui se passe Ni ce qu'il y a Le froid efface toutes ces lignes mortes Et l'intérêt qui ne tient pas les âmes peintes les cartons de travers les rires à côté du cour l'or l'écume le vêtement déteint A tous les bruits de cuivre le carré des fenêtres la lumière du jour Et tous ces amateurs qui se préparent ces rôles distribués à leur bonheur Rien ne se joue Rien ne résiste Au passage violent des cris qui se meurtrissent et retombent en paroles précises sur le front creusé des promeneurs Et alors le repos est plus glacé que ces champs vides les lustres sont tombés dans l'éclat du ruisseau Les marbres du palais sont au niveau des flaques Et la femme toujours tragique au bord de l'eau Au bord de la nuit qui se ferme Contre le mur désert où l'ombre est attachée Tout ferait peur au milieu de ce monde dans le monde où la musique a un autre air les pas comptés un autre nombre Et la glace un autre reflet |
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Pierre Reverdy (1889 - 1960) |
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Portrait de Pierre Reverdy | |||||||||
La vie et l'Ouvre de pierre reverdyPierre Reverdy est né à Narbonne le 13 septembre 1889 à midi. Il vécut à Paris et à Solesmes; il est mort à Solesmes en 1960. Il grandit au pied de la Montagne Noire dans la maison de son père, qui lui transmet le lire et l'écrire. Plusieurs de ses proches ancêtres avaient été sculpteurs, travaillant la pierre d'église et le bois. Il fait ses études au petit lycée de Toulouse et au collège de Narb |
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