Pierre Reverdy |
Le soir Il y a des bras dans la rue qui s'étreignent Des mains dans le jardin Des plaies qui saignent Il y a des murmures dans le vent D'où viennent les voyageurs qui passaient sur le chemin Où mène aussi la grand'route qui croise le chemin La maison seule au carrefour Les plaintes dans les arbres qui ont ri tout le jour Les lignes de la main Les lignes de la terre Sur les routes et les chemins qui se croisent Près de la chapelle en passant ils ont cherché l'ombre et le repos Avant la nuit La terre tourne autour de cette borne kilométrique et le mouvement s'étend Il y a un va-et-vient du centre L'impulsion se donne par les roues par les pieds Elle vient d'en bas sur la plaine et le cadran l'arbre et l'aiguille marquent le point du jour Le soleil court sur chaque ruisseau La haie brisée la terre monte Et à pied l'on vient d'un autre pays d'un autre monde Des rayons en zig-zag s'abattent sur le pont battant les arches et c'est là qu'on se rencontre C'est une frontière L'univers entier tient dans ma main Les étoiles le ciel le vent le soleil il pleut Les nuages c'est la tête la tête le phare On ne peut pas tout voir La distance s'étend mollement sous les pieds C'est la plage le sable mouvant On n'avance pas et le temps passe On n'arrivera pas Au moment où le couvercle retombe à l'horizon avec un bruit de machines vers le port Le globe est fermé On ne voit plus rien Puis les yeux s'habituent Une faible lueur revient le couvercle est si vieux Il y a des trous Il y a aussi celui de la serrure aussi rond que le soleil éteint Derrière le plafond La lumière est plus dure La lune Elle n'est pas là C'est la nuit noire Sous le hangar ouvert devant toute la terre avec sérénité La porte isole du monde On a sommeil Une heure vient où tout s'affaisse devant le sommeil On pense à se coucher n'importe où Les voitures pourraient passer on ne bouge pas On dort Le hangar est sans toit Sommeil Tout redescend On reste en l'air Le sol devient glissant et tourne tourne On dort tout en marchant Sommeil On marche Il faut marcher pour que la terre tourne tout autour du soleil Je voudrais m'arrêter pour boire Je me rappelle avoir marché le long des baraques fermées au bord de l'eau Je me souviens de la saison qui descendait peu à peu avec la nuit On allumait des lampes entre les arbres et en bas des femmes se dressaient auprès d'autres lumières Les marchands de passage faisaient du bruit Ces nomades riaient indifférents et étrangers dans le pays On les regardait avec curiosité Et en partant on n'aurait pas pu dire ce qu'ils emportaient Dans un creux de la ville des musiques jouaient Un manège de lumières ou d'étoiles tournait Le lendemain tout paraissait dormir Mais il y avait quelque chose qu'on cachait Je me rappelle avoir marché le long des baraques fermées au bord de l'eau Les tringles qui se tendent donnent le mouvement L'aile s'incline La poussière est devant Ce sont des voitures qui s'en retournent dans le vent On ne sait pas ce qui va se passer Les roues tournent L'orage éclate Et le tonnerre est sous le pont où je me cache Je me rappelle avoir marché contre les arbres qui saignaient A l'entrée des villages et des villes qui s'ouvraient Les portes des villes Elles mangent Englouti dans les artères et les veines de l'autre côté ce n'est plus le même En ressortant on a vieilli on a changé Déjà dix ans Je me rappelle être passé le long des murs et des fossés Tout près de la maison aveugle et isolée L'étoile et l'homme étaient chez eux La nuit tout se confond une vitre allumée rend le trou plus profond Le rideau enroule le vent L'esprit du monde qui se tend Et les pages du livre tournent Le moteur en avant L'oiseau qui allait partir redescend Je rentre Une maison se dresse A-t-on marché longtemps Les chemins se croisent aussi vite en même temps Et cette pierre qui n'a pas bougé Entre deux dates rapprochées tout s'efface - Si tard |
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Pierre Reverdy (1889 - 1960) |
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Portrait de Pierre Reverdy | |||||||||
La vie et l'Ouvre de pierre reverdyPierre Reverdy est né à Narbonne le 13 septembre 1889 à midi. Il vécut à Paris et à Solesmes; il est mort à Solesmes en 1960. Il grandit au pied de la Montagne Noire dans la maison de son père, qui lui transmet le lire et l'écrire. Plusieurs de ses proches ancêtres avaient été sculpteurs, travaillant la pierre d'église et le bois. Il fait ses études au petit lycée de Toulouse et au collège de Narb |
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