Rachida Madani |
(extraits) Le soleil était à portée de main du temps où j'avais un ciel mais je marchais à l'ombre et mon enfance avait la fraîcheur d'une vitre cassée harponnant des après-midi de peste depuis je demeure poète des mauvais jours et mauvais poète Partir ainsi désarmée quand le vent se lève ! Nous sommes deux, ô don Quichotte à n'être plus que déchirés et comme toi pauvre justicier j'ai toujours moins de bras que le moulin Ne pourra me chanter qu'un mauvais poète je n'ai ni soleil dans les yeux ni vagues dans la chevelure pas même un parfum exotique à hauteur d'aisselle je vais livide et vieillie je vais rasant là où il fait gris sur les murs Solitude de pierre et de mousse j'ai désappris le langage des cités d'émeraudes je suis Shahrazadc à demi folle sur un minaret au ras du sol contant aux décombres mon dernier conte avant l'aube écarlate dont ma poitrine s'encombre Tu n'es pas venu au monde pour voir tes os blanchir dans les eaux blanches d'un Bou Regreg ni pour contempler ton ombre décroître sur les routes de détresse Prends feu à ma voix, frère je détiens le privilège heureux de semer l'orage Lève-toi et crie ta nuit si tu oses soulève-la au-dessus de ta tête branlante et jette-la au sol si tu oses la nuit casse comme du verre... puis laisse parler ton kif tu as le bouquet prophétique quand tu chantes les catastrophes Lève-toi frère chaque soleil couché est un homme mort Je t'aime et je ne suis pas en train de chanter l'amour je n'ai pas à m'embarrasser d'un chant Je ne sais pas chanter quand il s'agit de ruines qui me labourent Je hurle un pays qui me transperce d'un bout à l'autre du corps me pulvérise me jette un désert à la figure Un pays un désert je suis encombrée d'une détresse que je dissèque anneau par anneau et qui finit par m'enchaîner à la dialectique des ruines alors seulement je le vois ce pays et je comprends combien ma tête est bassin de sang combien il faut que nous marchions même séparés même détruits même à moitié fous délirant dans la nuit de verre avec la foule Je te dis marche et je marche ni toi ni moi n'avons assez haï assez semé le bacille des maudits à travers ces villes Marche tu ne m'as jamais quittée tu ne me quitteras jamais tant qu'il y aura ce semblant de pays que nous voulons à tout prix nôtre quitte à finir non identifiés dans l'infini infernal du désert Pour toi pour moi pour tous les pestiférés de la terre l'amour est une excroissance hallucinante / du désert |
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Rachida Madani (1951 - ?) |
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