René Daumal |
Vous qui vivez, ah ! dites-moi comment un bras vivant se lève pour illuminer tant d'ombre, vous qui vivez, croyez-vous à ma mort ? et que je passe à travers les murs comme un homme basculant tombe d'une fenêtre dans l'air fuyant? Ce nègre, il est éternel, que je vis en basculant par la fenêtre d'ombre, il pourrissait dans la poussière, ô mon ami, corps de cuir creux, tu poussais à toi seul une locomotive depuis des siècles, le long des siècles qui s'enroulent et se déroulent et se mordent la queue, tu recommenceras toujours. Vous qui vivez, lorsque vos doigts touchent vos fronts, ils ne s'y enfoncent pas, savez-vous que l'eau qui coule est plus impuissante qu'un paralytique, savez-vous que je suis plus fluide que l'eau? J'essaie d'avoir l'air de quelqu'un parmi vous qui vivez, c'est seulement une politesse pour rire un peu. Entre nous, c'est fini, n'est-ce pas? ni seul ni plusieurs, ma barbe continue à pousser, c'est le seul bruit que l'on entend. Qui l'entend? Vous ou moi? Perdre la mémoire, marcher sur la tête, devient d'une facilité dérisoire, bonjour, bonsoir, les amis, il n'est plus, il n'est plus, bonsoir, bonjour, c'est fini. |
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René Daumal (1908 - 1944) |
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Portrait de René Daumal | |||||||||