René Depestre |
Je suis Atibon-Legba Mon chapeau vient de la Guinée De même que ma canne de bambou De même que ma vieille douleur De même que mes vieux os Je suis le patron des portiers Et des garçons d'ascenseur Je suis Legba-Bois I.egba-Cayes Je suis Legba-Signangnon Et ses sept frères Kataroulo Je suis Legba-Kataroulo Ce soir je plante mon reposoir Le grand médicinier de mon âme Dans la terre de l'homme blanc À la croisée de ses chemins Je baise trois fois sa porte Je baise trois fois ses yeux ! Je suis Alegba-Papa Le dieu de vos portes Ce soir c'est moi Le maître de vos layons Et de vos carrefours de blancs Moi le protecteur des fourmis Et des plantes de votre maison Je suis le chef des barrières De l'esprit et du corps humains ! J'arrive couvert de poussière Je suis le grand Ancêtre noir Je vois j"entends ce qui se passe Sur les sentiers et les routes Vos cours et vos jardins de blancs N'ont guère de secrets pour moi J'arrive tout cassé de mes voyages Et je lance mon grand âge Sur les pistes où rampent Vos trahisons de blancs ! Ô vous juge d'AJabama Je ne vois dans vos mains Ni cruche d'eau ni bougie noire Je ne vois pas mon vêvé tracé Sur le plancher de la maison Où est la bonne farine blanche Où sont mes points cardinaux Mes vieux os arrivent chez vous juge et ils ne voient pas De bagui où poser leurs chagrins Ils voient des coqs blancs Ils voient des poules blanches Juge où sont nos épices Où est le sel et le piment Où est l'huile d'arachide Où est le maïs grillé Où sont nos étoiles de rhum Où sont mon rada et mon mahi Où est mon yanvalou ? Au diable vos plats insipides Au diable le vin blanc Au diable la pomme et la poire Au diable tous vos mensonges Je veux pour ma faim des ignames Des malangas et des giraumonts Des bananes et des patates douces Au diable vos valses et vos tangos La vieille faim de mes jambes Réclame un crabignan-legba La vieille soif de mes os Réclame des pas virils d'homme ! Je suis Papa-Legba Je suis Legba-Clairondé Je suis Legba-Sé Je suis Alegba-Si Je sors de leur fourreau Mes sept frères Kataroulo le change aussi en épée Ma pipe de terre cuite Je change aussi en epee Ma canne de bambou Je change aussi en epee Mon grand chapeau de Guinée Je change aussi en épée Mon tronc de médicinier Je change aussi en épée Mon sang que tu as versé ! O juge voici une épée Pour chaque porte de la maison Une épée pour chaque tête Voici les douze apôtres de ma foi Mes douze épées Kataroulo Les douze Legbas de mes os Et pas un ne trahira mon sang Il n'y a pas de Judas dans mon corps Juge il y a un seul vieil homme Qui veille sur le chemin des hommes Il y a un seul vieux coq-bataille O juge qui lance dans vos allées Les grandes ailes rouges de sa vérité ! |
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René Depestre (1926 - ?) |
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Portrait de René Depestre | |||||||||
Biographie / OuvresRené Depestre est né en Haïti en 1926. Il fait ses études supérieures à la Sorbonne à Paris et fréquenta à cette période les poètes surréalistes. Son premier recueil de poésie paraît en 1945 (voir labibliographie de ses oeuvres [fr] sur le site web de RFO) et son premier roman en 1979. C'est un poète, romancier et essayiste. Il est expulsé de France en 1950 à cause de son engagement dans les mouve |
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