Renée Vivien |
Tu me comprends : je suis un être médiocre, Ni bon, ni très mauvais, paisible, un peu sournois. Je hais les lourds parfums et les éclats de voix, Et le gris m'est plus cher que l'écarlate ou l'ocre. J'aime le jour mourant qui s'éteint par degrés, Le feu, l'intimité claustrale d'une chambre Où les lampes, voilant leurs transparences d'ambre, Rougissent le vieux bronze et bleuissent le grès. Les yeux sur le tapis plus lisse que le sable, J'évoque indolemment les rives aux poid d'or Où la carté des beaux autrefois flotte encor. Et cependant je suis une grande coupable. Vois : j'ai l'âge où la vierge abandonne sa main À l'homme que sa faiblesse cherche et redoute, Et je n'ai point choisi de compagnon de route, Parce que tu parus au tournant du chemin. L'hyacinthe saignait sur les rouges collines, Tu rêvais et l'Eros marchait à ton côté. Je suis femme, je n'ai point droit à la beauté. On m'avait condamnée aux laideurs masculines. Et j'eus l'inexcusable audace de vouloir Le sororal amour fait des blancheurs légères, Le pas furtif qui ne meurtrit point les fougères Et la voix douce qui vient s'allier au soir. On m'avait interdit tes cheveux, tes prunelles, Parce que tes cheveux sont longs et pleins d'odeurs Et parce que tes yeux ont d'étranges ardeurs. Et se troublent ainsi que les ondes rebelles. On m'a montrée du doigt en un geste irrité, Parce que mon regard cherchait ton regard tendre. En nous voyant passe, nul n'a voulu comprendre Que je t'avais choisie avec simplicité. Considère la loi vile que je transgresse Et juge mon amour, qui ne sait point le mal, Aussi candide, aussi nécessaire et fatal Que le désir qui joint l'amant à la maîtresse. On n'a point lu combien mon regard était clair Sur le chemin où me conduit ma destinée, Et l'on a dit : "Quelle est cette femme damnée Que ronge sourdement la flamme de l'enfer ?" Laissons-les au souci de leur morale impure, Et songeons que l'aurore a des blondeurs de miel, Que le jour sans aigreur et que la nuit sans fiel Viennent, tels des amis dont la bonté rassure. Nous irons voir le clair d'étoiles sur les monts. Que nous importe, à nous, le jugement des hommes ? Et qu'avons-nous à redouter, puisque nous sommes Pures devant la vie et que nous nous aimons ?. |
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Renée Vivien (1877 - 1909) |
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Portrait de Renée Vivien | |||||||||
Biographie / chronologie11 juin 1877 naissance à Londres de Pauline Tarn, qui choisira plus tard le pseudonyme de Renée Vivien. Son père, rentier, est d'origine anglaise. Sa mère est américaine. Enfance partagée entre Londres et Paris. |
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