Robert Desnos |
Par le travers de la gueule Ramassée dans la boue et la gadoue Crachée, vomie, rejetée - Je suis le vers témoin du souffle de mon maître - Déchet, rebut, ordures Comme le diamant, la flamme et le bleu de ciel Pas pure, pas vierge Mais baisée dans tous les coins baisée enfilée sucée enculée violée Je buis le vers témoin du souffle de mon maître Baiseuse et violatrice Pas pucelle Rien de plus sale qu'un pucelage Ouf! ça y est on en sort Bonne terre boueuse où je mets le pied Je suis pour le vent le grand vent et la mer Je suis le vers témoin du souffle de mon maître Ça craque ça pète ça chante ça ronfle Grand vent tempête cour du monde Il n'y a plus de sale temps J'aime tous les temps j'aime le temps J'aime le grand vent Le grand vent la pluie les cris la neige le soleil le feu et tout ce qui est de la terre boueuse ou sèche Et que ça croule! Et que ça pourrisse Pourrissez vieille chair vieux os Par le travers de la gueule Et que ça casse les dents et que ça fasse saigner les gencives Je suis le vers témoin du souffle de mon maître L'eau coule avec son absurde chant de colibris de rossignol et d'alcool brûlant dans une casserole coule le long de mon corps Un champignon pourrit au coin de la forêt ténébreuse dans laquelle s'égare et patauge pieds nus une femme du tonnerre de dieu Ça pourrit dur au pied des chênes Une médaille d'or n'y résiste pas C'est mou C'est profond Ça cède Ça pourrit dur au pied des chênes Une lune d'il y a pas mal de temps Se reflète dans cette pourriture Odeur de mort odeur de vie odeur d'étreinte De cocasses créatures d'ombre doivent se rouler et se combattre et s'embrasser ici Ça pourrit dur au pied des chênes Et ça souffle encore plus dur au sommet Nids secoués et les fameux colibris de tout à l'heure Précipités Rossignols époumonés Feuillage des forêts immenses et palpitantes Souillé et froissé comme du papier à chiottes Marées tumultueuses et montantes du sommet des forêts vos vagues attirent vers le ciel les collines dodues dans une écume de clairières et de pâturages veinée de fleuves et de minerais Enfin le voilà qui sort de sa bauge L'écorché sanglant qui chante avec sa gorge à vif Pas d'ongles au bout de ses doigts Orphée qu'on l'appelle Baiseur à froid confident des Sibylles Bacchus châtré délirant et clairvoyant Jadis homme de bonne terre issu de bonne graine par bon vent Parle saigne et crève Dents brisées reins fêles, artères nouées Cour de rien Tandis que le fleuve coule roule et saoule de grotesques épaves de péniches d'où coule du charbon Gagne la plaine et gagne la mer Écume roule et s'use Sur le sable le sel et le corail J'entrerai dans tes vagues A la suite du fleuve épuisé Gare à tes flottes! Gare à tes coraux, à ton sable, à ton sel à tes festins Sorti des murailles à mots de passe Par le travers des gueules Par le travers des dents Beau temps Pour les hommes dignes de ce nom Beau temps pour les fleuves et les arbres Beau temps pour la mer Restent l'écume et la boue Et la joie de vivre Et une main dans la mienne Et la joie de vivre Je suis le vers témoin du souffle de mon maître |
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Robert Desnos (1900 - 1945) |
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Portrait de Robert Desnos | |||||||||
BiographieVIE DE ROBERT DESNOS BibliographieRobert Desnos, the son of a café owner, was born on July 4, 1900, in Paris. He attended commercial college, and then worked as a clerk before becoming a literary columnist for the newspaper Paris-Soir. He first published poems in the Dadaist magazine Littérature in 1919, and in 1922 he published his first book, Rrose Selavy, a collection of surrealistic aphorisms. While on leave in Morocco from hi |
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