Robert Desnos |
La chambre est fermée et vide, bien vide Seul, le soleil, à certaines heures, déplace sa ligne sur les couvertures en désordre et sur l'oreiller froissé; Une robe, sur une chaise, palpite par instants au souffle d'un mystérieux courant d'air Un cheveu frémit aussi sur le drap replié, Et l'horloge qui bat encore et ne tardera pas à s'arrêter, chante dans le désert. Colibri du soir, colibri du matin, Mon beau colibri entre dans la chambre, Bat des ailes, Éclate en couleurs vives sur l'oreiller. L'arc-en-cicl pâlit dans le ciel autour des parterres d'étoiles. Mon beau colibri, colibri du soir et du matin, Vole. Heurte ta tête nue à ton double dans la glace dont le tain s'écaille. Saigne. Meurs. Mon beau colibri du soir et du marin. Ventre gonflé, Bec sanglant, Ailes ouvertes, Pattes raidies, Meurs Afin que dans la chambre vide le soleil déplace sa ligne autour de ton cadavre Où la fenêtre se reflète dans le sang qui poisse ton duvet. Pour un chant identique, pour un vol égal, Paré des mêmes couleurs, Colibri du soir, colibri du marin, Tu renaîtras. Et dans la chambre vide, l'horloge à nouveau chantera Colibri, colibri, Colibri du soir, colibri du matin. L'oiseau qui vole vers la côte n'est pas près du bord où, tendant les lèvres, Le ciel de terre, au ciel de mer offre un baiser d'écume. n'a pas tort de voler, l'oiseau perdu en mer, n'a pas tort, le marin qui fixe à l'avant du navire, figure de proue, figure de rêve, 'image même de celle qu'il aime. Ceci se passe loin de tous les continents, Loin des continents herbus où courent les taureaux sauvages, Loin des continents mouillés où le lamantin et l'hippopotame Barbotent grassement dans la boue qui luit et sèche et craque, Loin des continents de ville et d'amour, Loin des continents d'éternelle jalousie, Loin des continents de steppe et de neige et de sable, Loin des continents de soleil Ceci se passe où je veux, Au pays des sirènes et des typhons, au pays des roulements de tonnerre Près du continent du ciel aride, Dans l'archipel éternel des nuages. Roulez, roulez, nuages, tandis que l'oiseau vole. Non loin de là, Une fiancée reçoit pour sa fête La carte postale d'éternel serment La colombe, au bec, tient la lettre cachetée : « Je vous jure un amour de toujours. » Roulez, roulez, nuages, archipel de nuages, Océan, aride océan. Les fontaines se lamentent loin des oiseaux Loin du murmure du vent dans les platanes. A pleine gueule, le poisson que tient la sirène Crache l'eau dans la lueur des réverbères et les reflets du macadam Et toute cette histoire s'achève, Loin des yeux, loin du cour, Près de l'éternel serment. A Paris, place de la Concorde Une femme la plus belle et la plus touchante passe Seule, à pied, triste. Et, loin d'elle, au-dessus de la mer vole un oiseau Et jamais la femme ne verra le vol de cet oiseau jamais, de son ombre, le vol de cet oiseau ne rayera Le chemin suivi par cette femme. Jamais? Est-ce bien sûr? ô, rencontres - ô, fontaines gémissantes au cour des villes ô, cours gémissants par le monde. Vive la vie! L'oiseau terrible, menaçant, Est sur une branche de l'arbre épouvantable Et la mort est cachée dans un couteau. Le rire des furieuses T'ouvre la bouche en vain. Je te sais condamnée, Je refuse de te sauver. L'arbre est en feu Et la mort est inscrite en lettres majuscules, Pendue à tes cheveux, Reliée à ta nuque par des fleurs souterraines, Mêlée à tes regards. Ton front est une injure, Une pierre dans un gouffre, Ma langue dans ma bouche. Je sais qu'il n'est jamais plus temps. |
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Robert Desnos (1900 - 1945) |
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Portrait de Robert Desnos | |||||||||
BiographieVIE DE ROBERT DESNOS BibliographieRobert Desnos, the son of a café owner, was born on July 4, 1900, in Paris. He attended commercial college, and then worked as a clerk before becoming a literary columnist for the newspaper Paris-Soir. He first published poems in the Dadaist magazine Littérature in 1919, and in 1922 he published his first book, Rrose Selavy, a collection of surrealistic aphorisms. While on leave in Morocco from hi |
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