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Robert Garnier



Les juives, chour - Poéme


Poéme / Poémes d'Robert Garnier





Pauvres filles de
Sion,
Vos liesses sont passées;
La commune affliction
Les a toutes effacées.



Ne luiront plus vos habits
De soie avec l'or tissue;
La perle avec le rubis
N'y sera plus aperçue.



La chaîne qui dévalait
Sur vos gorges ivoirines
Jamais comme elle soûlait
N'embellira vos poitrines.



Vos seins, des cèdres pleurants
En mainte goutte tombée
Né seront plus odorants,
Ni des parfums de
Sabée,



Et vos visages, déteints
De leur naturel albâtre,
N'auront souci que leurs teints
Soient peinturés de cinabre.



L'or crêpé de vos cheveux,
Qui sur vos tempes se joue,
De mille folâtres noeuds
N'ombragera votre joue.



Nous n'entendrons plus les sons
De la soupireuse lyre,
Qui s'accordait aux chansons,
Que l'amour vous faisait dire,



Quand les cuisantes ardeurs
Du jour étant retirées,
On dansait sous les tiédeurs
Des brunissantes soirées,



Et que ceux-là dont l'amour
Tenait les âmes malades,
Faisaient aux dames la cour
De mille douces aubades,



Contant les affections
De leurs amitiés fidèles
Et les dures passions
Qu'ils souffraient pour l'amour d'elles.



Las ! que tout est bien changé !
Nous n'avons plus que tristesse.
Tout plaisir s'est étrange
De nous, et toute liesse.



Notre orgueilleuse
Cité,
Qui les cités de la terre
Passait en félicité,
N'est plus qu'un monceau de pierres.



Dessous ses murs démolis,
Comme en communs cimetières,
Demeurent ensevelis
La plus grand'part de nos frères.



Et nous, malheureux butin,
Allons soupirer, captives,
Bien loin dessous le matin,
Sur l'Euphrate aux creuses rives,



Où confites en tourment,
Toute liberté ravie,
En pleurs et gémissement
Nous finirons notre vie.



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Robert Garnier
(1545 - 1590)
 
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