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Roger Gilbert-Lecomte



Le vent d'après le vent d'avant - Poéme


Poéme / Poémes d'Roger Gilbert-Lecomte





Depuis jamais

Je sais toujours

Souvenir d'avenir après toute vie révolue

Prévision d'autrefois d'avant tout mouvement

Avant que soit

Le premier mouvement le vent

Pour quel crime immense inconnu

D'un juge qui n'est que moi-même

Ma condamnation au présent à perpétuité

Éternité

Depuis jamais

Je sais toujours

Prévoir me souvenir du vent qui vient de plus loin que la lune

Et les étoiles

Le vent de bêtes légion

Qui glisse de plus loin que l'humaine illusion de tout l'espace oblong

Le vent de bêtes et de griffes

Qui hurlent dans les caves du ciel

Déchirent des lambeaux de soie noire aux parois supérieures de l'éther

Le vent qui vient de plus loin que tout l'espace plein

Le granit d'un seul grain de granit

Granit sans grains

Le granit plein



Le vent qui vient de plus loin que l'éternelle limite

Où le marbre est perméable au tulle

Et les étoiles alvéoles perméables à l'éther dentelles

Le vent qui n'a jamais dépassé

L'ourlet croquant de mon oreille

Le vent qui n'a jamais pénétré sous mon crâne

Jamais fait résonner les grottes de mes tempes

Le vent qui secoue l'étendue onduleuse de tout

Mais le vent qui ne peut secouer moi le vide

Le trou d'absence dans le monde

Le défaut du cristal le crachat de l'émeraude

L'entonnoir le trou



Espace que détient mon corps statufié dans l'espace

Mon corps est le seul lieu où je ne me sais pas

Le seul lieu où je ne sois pas

Moi qui suis le vent d'avant tout mouvement

Le vent vivant après toute vie révolue

Le vent qui vient de plus loin que la forme oculaire de

l'infini de l'homme
Limite de souffrance la peau la seule opacité
Nuit du tambour increvable
Que les volcans du vent fassent éclater mon crâne
Retournez-moi comme un gant
Dévaginez-moi jetez-moi nu tout vif écorché à l'amour

souterrain de l'ombre de l'envers du monde

Arrachez la viande de mes joues

Pour que je voie enfin mon rire de mort

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Roger Gilbert-Lecomte
(1907 - 1943)
 
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