Roger Munier |
(extraits) Tant que tu peux revenir, tu n'as pas vraiment fait le voyage. Si tout est rêve, la mort l'est aussi. À moins qu'elle ne soit le réveil. On n'est peut-être pas plus réellement mort, dans la mort, qu'on n'est, dans la vie, réellement vivant. Il faut effacer la vie de temps en temps. C'est pour cela qu'il y a la nuit, le sommeil. La vie passe lente, dans l'arbre d'automne. Vie heureuse, languide, apaisée. Se préparant au long sommeil. La mort, quand elle ouvre, est-elle dans l'être ou dans le néant? Il faut que le corps se repose. Que l'esprit se repose. Et le cour. Que l'amour se repose. Mort : la dernière et suprême fatigue, insurmontable, insurmontée. Quand viendra la mort, il n'y faudra plus penser, pour qu'elle soit la mort. Il faudra ne plus penser. Je vis encore... Tremblement heureux dans cet « encore ». Mais je ne vis plus en effet qu'encore. Est-ce vivre encore ? Dans la mort, je reposerai en moi, ne reposerai qu'en moi. C'est pourquoi il importe, dès que vivant, d'être à soi-même son repos. C'est la sortie de ce monde qui est arrachement, agonie. L'entrée dans le néant ne peut qu'être inapparente et douce. Peut-être la mort est-elle inconsolable d'être la mort ? Nul ne pourra jamais dire si c'est la vie ou la mort qui a le dernier mot. Peut-être qu'aucune des deux ne l'a? Au moment de la mort, la vie n'est plus que ce qu'elle est : de peu de poids. Entre la rose et toi, il y a le vide de la rose et de toi. Poussées par le vent loin de l'arbre, les feuilles tombées de l'érable s'enhardissent jusqu'à la porte. Certaines entrent même dans la maison, visiteuses humiliées. Les racines sont l'arbre à l'envers, dans la nuit. |
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Roger Munier (1923 - 2010) |
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