Roland Dubillard |
Il a fait semblant de ne pas m'avoir vue, mais j'ai bien vu alors qu'il ne voyait plus rien ; et quand je l'ai perdu de vue, pendant des heures on m'a dit qu'il a fait le tour de la ville. Je l'ai vu revenir de très loin et tout droit, à la façon de ceux qui savent bien mon nom ; et il m'a dit aussi ce qu'ils me disent. Mais je ne l'ai pas entendu. Je me disais : que va-t-il devenir ? Combien de temps demanderont ses yeux? Car ses yeux n'étaient pas de leur couleur encore; en sorte que ce n'est pas vraiment lui qu'à cet instant j'ai vu venir, mais sa main, qui venait la première'. Et tandis que cette main à la rencontre de la mienne venait, pareille à des oiseaux, j'aurais juré que je devenais pâle et trouble comme font, lorsqu'on les approche, les nuages. Et lui, voyant que je ne pensais plus à moi que comme à des oiseaux qui s'éloignent, il dit : je reviendrai. Et il a redressé autour de moi les champs, et remis le bois dans ses lignes. Et les reflets des feuilles dans le fleuve il les a replacés dans l'arbre avec les feuilles ; et sous ses yeux le fleuve a retrouvé sa vraie couleur. Et moi, quand il est revenu, j'étais très claire, à cause de mes yeux qu'il regardait. Et quand il m'a touchée, j'ai vu s'ouvrir, à leur vraie place, et calmes, les cailloux du jardin comme une maison blanche. |
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Roland Dubillard (1923 - 2011) |
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Portrait de Roland Dubillard | |||||||||