Siméon-Guillaume de La Roque |
Je pensais que mon cour échappé du naufrage Dût être maintenant un peu plus avisé, Mais quoi! plus on le trompe et moins il est rusé, Plus il vieillit au monde et moins il devient sage. Revoyant la mer calme et le ciel sans nuage Il se remit au vent qui l'avait maîtrisé : Hélas il te faudrait, pauvre cour abusé, Avoir de la fortune autant que de courage! Combien as-tu de fois tourné l'oil vers le port, Étant loin d'espérance et proche de la mort, Réclamant les hauts dieux touché de repentance? Mais te voyant sauvé des flots audacieux, Tu te ris de l'orage et des vents furieux : Car du péril passé morte est la souvenance. Stances Un amant qui poursuit les beaux yeux d'une dame, Et qui les a choisis pour miroir de son âme, Qui trompe son esprit aux rais de tel flambeau, S'encourt hâtivement à son heure dernière, Comme celui qui suit d'un ardantl la lumière, Qui le conduit au fleuve où il fait son tombeau. Il peint dedans la nue, il bâtit sur l'arène, Il fonde sur les flots son espérance vaine, Et prépare le feu pour se sacrifier, Il contraint son humeur, il se change et rechange, D'un esprit infernal il pense faire un ange, Et croit en l'adorant de se déifier. Il fait son paradis d'un enfer de misère, Il conte à des rochers son tourment ordinaire, D'un enfant nu et pauvre il espère son bien : Il se tend des filets pour se prendre soi-même, Et s'il tient une fois ce bien que plus il aime, C'est un songe volant qui dure moins que rien. XIX Sentir d'un feu brûlant l'extrême violence Sans qu'une mer de pleurs le puisse modérer, Plus on souffre de mal pouvoir moins soupirer, Et celer dans le cour ce qui plus vous offense. Mourir près d'un sujet, languir en son absence, Tantôt rougir, pâlir, craindre et désespérer, Et voir un autre amant votre bien désirer, Et tirer devant vous faveur et récompense. N'avoir point de repos ni le jour ni la nuit, Servir qui vous méprise, et suivre qui vous fuit, Aimer comme Narcisse une ombre errante et vaine, D'un martel * furieux endurer mille coups, Mourez, tristes amants, le trépas est plus doux. Car la mort est d'amour la plus légère peine. |
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Siméon-Guillaume de La Roque (1551 - 1611) |
Portrait de Siméon-Guillaume de La Roque |