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Simone de Beauvoir

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L'amour, malgré tout


Poésie / Poémes d'Simone de Beauvoir





Le 9 janvier 1908, à peine plus d'un an après le mariage de Françoise et Georges, Simone Ernestine Lucie Marie vient au monde. C'est, aux dires de son entourage, un bébé magnifique, robuste, avec de beaux cheveux bruns et les yeux bleus des Beauvoir. Ses parents ne semblent pas regretter la naissance d'une fille ; ils sont fiers d'elle et ne manquent pas une occasion de la cajoler. Peut-être chacun a-t-il encore en tête des souvenirs douloureux de sa propre enfance : l'aînée mal aimée et le benjamin oublié de son père. La famille est installée 103 boulevard du Montparnasse, au-dessus du café la Rotonde. Françoise a une entière confiance en son mari qui lui a fait découvrir la vie parisienne, les livres et le théâtre. Il rentre souvent de son travail avec des violettes, les fleurs qu'elle préfère. Et si quelques nuages financiers se profilent à l'horizon, la jeune femme préfère les ignorer. Elle a apporté dans son trousseau du linge, des meubles ; et Georges démarre bien sa carrière d'avocat. Louise, une jeune fille de Meyrignac, leur a été envoyée par Ernest-Narcisse pour tenir la maison. Elle restera avec eux de longues années, jusqu'à son mariage, et devient pour Françoise et ses enfants bien plus qu'une domestique. « C'est à Louise que j'ai dû la sécurité quotidienne. [...] Sa présence m'était aussi nécessaire et me paraissait aussi naturelle que celle du sol sous mes pieds. »

C'est en effet Louise qui est chargée de s'occuper de la petite Simone : elle lui donne son bain, la promène chaque jour dans un lourd landau, la nourrit et veille sur son sommeil. Mais ses parents s'en occupent également beaucoup, suivant les conseils des pédagogues de l'époque, et prennent chaque jour le temps de jouer avec elle. Ils tiennent à lui donner une éducation solide et moderne, et la considèrent très tôt comme une petite adulte. Dès l'âge de quatre ans, la petite fille qui fait preuve d'une inlassable curiosité, sait lire. Elle sait aussi poser sa propre carte de visite, sur le plateau d'argent présenté par un domestique, à l'entrée des salons que fréquente sa mère. Ses parents lui vouent une véritable admiration, au point qu'ils lui passent bien des caprices. Ses brusques colères qui la rendent bleue de rage sont célèbres dans la famille et parmi les amis ; selon les cas elles suscitent amusement ou réprobation. Au jardin du Luxembourg, pleurant de fureur d'avoir été contrariée, elle donne un jour un coup de pied à une dame qui voulait calmer son chagrin. Une parente qui écrit des histoires morales pour enfants utilise même son comportement pour édifier ses petits lecteurs et faire par la même occasion la leçon à Georges et à Françoise, accusés dans la famille d'être modernes, ce qui n'est pas un compliment. « Je hurlais si fort, pendant si longtemps, qu'au Luxembourg on me prit quelquefois pour une enfant martyre. " Pauvre petite ! ", dit une dame en me tendant un bonbon. Je la remerciai d'un coup de pied. Cet épisode fit grand bruit ; une tante obèse et moustachue, qui maniait la plume, le raconta dans La poupée modèle. »



Entre-temps, le 9 juin 1910, une petite sour est née : Henriette Hélène. Cette fois, Françoise et Georges espéraient un garçon et ne cachent pas que cette deuxième fille est en quelque sorte superflue. Le grand-père Brasseur leur envoie une lettre de félicitations pour la naissance d'un fils, et rajoute un simple post-scriptum « je viens d'apprendre que c'était la naissance d'une fille. Que la volonté de Dieu soit faite. » Hélène est plus petite que son aînée, menue, blonde, mais elle aussi a les yeux bleus de son père. Son apparente fragilité de poupée de porcelaine lui vaut le surnom de Poupette, qu'elle gardera longtemps. Fort heureusement, si ses parents la considèrent comme une pâle doublure de Simone, les deux petites filles nouent très vite une relation profonde. L'aînée apprend tout ce qu'elle sait à sa cadette, laquelle lui voue une grande admiration. Elles se complètent, évitant ainsi la jalousie : « J'avais une petite sour : ce poupon ne m'avait pas. »

L'enfance est pour Simone une période merveilleuse : ses parents l'admirent et lui passent la plupart de ses brusques colères, tant que celles-ci ne provoquent pas de scandale public. Sa sour lui voue un amour inconditionnel qu'elle lui rend bien. Leur milieu privilégié leur assure le confort et l'insouciance, même si la ruine de Gustave Brasseur et les mauvaises affaires de Georges vont peu à peu ternir ce bonheur. En juillet 1909 en effet, de mauvais placements ont conduit le père de Françoise à la faillite et même en prison pour treize mois. L'énorme scandale causé à Verdun n'est jamais évoqué dans la famille ; les Brasseur s'installent simplement à Paris et Gustave continuera toute sa vie à monter diverses affaires plus ou moins réussies, persuadé que le succès reviendrait. Il ne versera jamais à Georges la dot de sa fille.

Françoise est entièrement dévouée à ses filles et à son mari qu'elle admire et devant lequel elle se sent toujours coupable du scandale paternel. Georges mène sa carrière ; elle s'occupe de l'instruction des enfants. L'éducation de Simone commence par la religion : encore bébé, sa mère l'emmène à la messe et lui enseigne l'histoire pieuse. Ensuite elle lira absolument tous les livres de ses enfants, contrôlera tout ce qu'elles apprennent et les empêchera de jouer avec tout enfant - y compris les camarades de classe - dont elle ne connaît pas suffisamment la famille pour savoir si ce sont des gens fréquentables. Cette véritable censure durera très longtemps, la poussant à étudier l'anglais et le latin afin de continuer à surveiller les lectures de ses filles. La fusion obligatoire et permanente entre la mère et les filles va créer entre les deux sours une alliance solide qui les aidera ensuite à s'opposer à la toute-puissance maternelle.



Pour l'instant, cet amour n'est pas encore étouffant. Les contraintes imposées par Françoise, les conditions qu'elle pose à leurs fréquentations donnent le sentiment à ses filles d'appartenir à une élite dont l'éducation se doit d'être soignée. Par ailleurs on reçoit beaucoup chez les Beauvoir, l'ambiance est gaie, on joue de la musique et on chante. Plusieurs fois par an les vacances les mènent dans le sud de la France, et les longs étés se passent à Meyrignac, un paradis où tous les cousins se retrouvent et sont moins surveillés qu'à Paris. Les deux sours, inséparables, inventent ensemble des jeux souvent inspirés de la vie des saints que leur fait lire leur mère. Simone joue le rôle de la martyre chrétienne qui résiste vaillamment à la torture et Hélène celui du persécuteur, tyran romain ou seigneur impie. Une façon pour Poupette de prendre sa revanche ? Comme celle-ci le raconte elle-même dans ses Souvenirs, la noble sainte (SimonE) triomphe toujours à la fin : « Ainsi un jour, j'étais parvenue à l'enfermer dans une tour et, comme j'étais un méchant homme, je l'empêchais de faire ses prières - il faut dire que notre père était athée - je lui interdisais d'aller à la messe, je lui avais même déchiré son missel en menus morceaux, fictivement bien entendu. Mon triomphe fut de courte durée, elle m'annonça qu'elle avait tout recollé ! J'étais eue ! » Et les deux petites filles, complices, échappent un peu à la surveillance permanente de leur mère grâce à ces jeux de rôles pour lesquels elles se sont inventé un code compréhensible d'elles seules.

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Simone de Beauvoir
(1908 - 1986)
 
  Simone de Beauvoir - Portrait  
 
Portrait de Simone de Beauvoir

Ouvres

Née dans une famille bourgeoise et catholique, Simone de Beauvoir entreprend, à l'âge de 17 ans, des études de lettres et de mathématiques. En 1926, elle adhère à un mouvement socialiste et suit des cours de philosophie à la Sorbonne pour préparer le concours de l'agrégation. C'est à cette époque qu'elle fait la connaissance de Jean-Paul Sartre, qui fréquente le même groupe d'étudiants qu'elle. Dé

Bibliographie sÉlective


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