Stéphane Mallarmé |
Ô laveuse blonde et mignonne Quand, sous ton grand chapeau de joncs Un rayon égaré frissonne Et se joue en tes cheveux blonds, Quand, sous l'eau claire où tu t'inclines Pour laver (et non pour te voir), Vole la touffe d'églantines Qui parfumait ton blanc peignoir, Quand, suspendant ton linge au saule Que rase un bleu martin-pêcheur, Au vent qui rougit ton épaule Tu vas gazouillant ta fraîcheur, Ô laveuse aux mignardes poses, Qui sur ta lèvre où rit ton cour Ou le sang embaumé des roses, Au pied d'enfant, à l'oil moqueur, Sais-tu, vrai Dieu ! que ta grand-mère T'aurait dû faire pour la Cour Au temps où refleurit Cythère Sous un regard de Pompadour ? Lors, de leur perruque frisée Semant les frimas en leurs jeux, Roses, l'aile fleurdelisée, Amours givrés et Ris neigeux Au grand jardin des bergeries T'emmenaient, près d'un vieux dauphin Qui pleure à flots des pierreries L'été, sur ses glaïeuls d'or fin. Et ces larrons, ô larronnesse Des traits, du carquois et de l'arc, Te sacraient danseuse ou faunesse Et vous perdaient, madame, au parc... Là, pour feindre des pleurs candides Secouant, quand passe Mondor, Ton bouquet de roses humides Sur ton livre aux écussons d'or, Ou, pour qu'on sache que sa plume A moins de neige que ta main, D'un éventail baigné d'écume Agaçant le cygne câlin, Derrière ta robe insolente, Drap d'argent et nouds de lilas, Tu traînerais la gent galante Des vieux quêteurs de falbalas. Tel fat, fredonnant Gluck, se pâme Et cherche un poulet à glisser : Tel roué, s'il se savait une âme La damnerait pour te baiser. Tu serais, sans compter leurs proses, En des madrigaux printaniers, Chloé, bergère à talons roses, Diane, ou Cypris en paniers. Musqués, chiffonnant les rosettes De leur épée en satin blanc Et l'échiné en deux, les poètes Te demanderaient, roucoulant, Si ta bouche en cour fut cueillie Sur les framboisiers savoureux, Dans quel bois rêve ensevelie La pervenche où tu pris tes yeux ? O jours dorés des péronnelles, Des Dieux, des balcons enjambés, Du fard, des mouches, des dentelles, Des petits chiens, et des abbés ! Boucher jusqu'aux seins t'eût noyée Dans l'argent du cygne onduleux, Cachant sous l'aile déployée Ton ris de pourpre et tes yeux bleus. Après Léda, blonde Eve nue, Un évêque aux parcs enjôleurs Aurait vu blanchir ta statue Sous ses grands marronniers en fleurs Tandis qu'en ce siècle barbare, Sans songer que ton corps si beau Pût s'épanouir en Carrare, A genoux et les bras dans l'eau Tu ris au soleil du rivage Qui d'un traître rayon brunit Ta gorge entr'ouvrant son corsage Comme un ramier sort de son nid . |
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Stéphane Mallarmé (1842 - 1898) |
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Portrait de Stéphane Mallarmé | |||||||||
Biographie / chronologie1842 - Naissance à Paris le 18 mars. Orientation bibliographique / OuvresOuvres : Deux éditions principales, disponibles en librairie : Poésies, Edition de 1899, complétée et rééditée en 1913, puis à plusieurs reprises par les éditions de la Nouvelle Revue française (Gallimard) ; préface de Jean-Paul Sartre pour l'édition dans la collection « Poésie/Gallimard ». Ouvres complètes (un volume), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Edition établie et présentée par |
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