Stéphane Mallarmé |
I Tout Orgueil fume-t-il du soir, Torche dans un branle étouffée Sans que l'immortelle bouffée Ne puisse à l'abandon surseoir ! La chambre ancienne de l'hoir De maint riche mais chu trophée Ne serait pas même chauffée S'il survenait par le couloir. Affres du passé nécessaires Agrippant comme avec des serres Le sépulcre de désaveu, Sous un marbre lourd qu'elle isole Ne s'allume pas d'autre feu Que la fulgurante console. II Surgi de la croupe et du bond D'une verrerie éphémère Sans fleurir la veillée amère Le col ignoré s'interrompt. Je crois bien que deux bouches n'ont Bu, ni son amant ni ma mère, Jamais à la même Chimère, Moi, sylphe de ce froid plafond ! Le pur vase d'aucun breuvage Que l'inexhaustible veuvage Agonise mais ne consent, Naïf baiser des plus funèbres ! À rien expirer annonçant Une rose dans les ténèbres. III Une dentelle s'abolit Dans le doute du Jeu suprême À n'entr'ouvrir comme un blasphème Qu'absence éternelle de lit. Cet unanime blanc conflit D'une guirlande avec la même, Enfui contre la vitre blême Flotte plus qu'il n'ensevelit. Mais, chez qui du rêve se dore Tristement dort une mandore Au creux néant musicien Telle que vers quelque fenêtre Selon nul ventre que le sien, Filial on aurait pu naître. Quelle soie aux baumes de temps Où la Chimère s'exténue Vaut la torse et native nue Que, hors de ton miroir, tu tends ! Les trous de drapeaux méditants S'exaltent dans notre avenue : Moi, j'ai ta chevelure nue Pour enfouir mes yeux contents. Non ! La bouche ne sera sûre De rien goûter à sa morsure, S'il ne fait, ton princier amant, Dans la considérable touffe Expirer, comme un diamant Le cri des Gloires qu'il étouffe. M'introduire dans ton histoire C'est en héros effarouché S'il a du talon nu touché Quelque gazon de territoire À des glaciers attentatoire Je ne sais le naïf péché Que tu n'auras pas empêché De rire très haut sa victoire Avec des royaumes épars Comme mourir pourpre la roue Du seul vespéral de mes chars. À la nue accablante tu Basse de basalte et de laves À même les échos esclaves Par une trompe sans vertu Quel sépulcral naufrage (tu Le sais, écume, mais y baves) Suprême une entre les épaves Abolit le mât dévêtu Ou cela que furibond faute De quelque perdition haute Tout l'abîme vain éployé Dans le si blanc cheveu qui traîne Avarement aura noyé Le flanc enfant d'une sirène. Mes bouquins refermés sur le nom de Paphos, Il m'amuse d'élire avec le seul génie Une ruine, par mille écumes bénie Sous l'hyacinthe, au loin, de ses jours triomphaux. Coure le froid avec ses silences de faux, Je n'y hululerai pas de vide nénie Si ce très blanc ébat au ras du sol dénie À tout site l'honneur du paysage faux. Ma faim qui d'aucuns fruits ici ne se régale Trouve en leur docte manque une saveur égale : Qu'un éclate de chair humain et parfumant ! Le pied sur quelque guivre où notre amour tisonne, Je pense plus longtemps peut-être éperdument À l'autre, au sein brûlé d'une antique amazone. |
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Stéphane Mallarmé (1842 - 1898) |
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Portrait de Stéphane Mallarmé | |||||||||
Biographie / chronologie1842 - Naissance à Paris le 18 mars. Orientation bibliographique / OuvresOuvres : Deux éditions principales, disponibles en librairie : Poésies, Edition de 1899, complétée et rééditée en 1913, puis à plusieurs reprises par les éditions de la Nouvelle Revue française (Gallimard) ; préface de Jean-Paul Sartre pour l'édition dans la collection « Poésie/Gallimard ». Ouvres complètes (un volume), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Edition établie et présentée par |
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