Stéphane Mallarmé |
LA NOURRICE, HÉRODIADE HÉRODIADE ... O miroir! Eau froide par l'ennui dans ton cadre gelée Que de fois et pendant des heures, désolée Des songes et cherchant mes souvenirs qui sont Comme des feuilles sous ta glace au trou profond, Je m'apparus en toi comme une ombre lointaine, Mais, horreur ! des soirs, dans ta sévère fontaine, J'ai de mon rêve épars connu la nudité!... LA NOURRICE ... Triste fleur qui croît seule et n'a pas d'autre émoi Que son ombre dans l'eau vue avec atonie..,. HÉRODIADE ... Oui, c'est pour moi, pour moi, que je fleuris, déserte! Vous le savez, jardins d'améthyste, enfouis Sans fin dans de savants abîmes éblouis, Ors ignorés, gardant votre antique lumière Sous le sombre sommeil d'une terre première, Vous, pierres où mes yeux comme de purs bijoux Empruntent leur clarté mélodieuse, et vous Métaux qui donnez à ma jeune chevelure Une splendeur fatale et sa massive allure! Quant à toi, femme née en des siècles malins Pour la méchanceté des antres sibyllins, Qui parles d'un mortel ! selon qui, des calices De mes robes, arôme aux farouches délices, Sortirait le frisson blanc de ma nudité, Prophétise que si le tiède azur d'été, Vers lui nativement la femme se dévoile, Me voit dans ma pudeur grelottante d'étoile, Je meurs! J'aime l'horreur d'être vierge et je veux Vivre parmi l'effroi que me font mes cheveux Pour, le soir, retirée en ma couche, reptile Inviolé sentir en la chair inutile Le froid scintillement de ta pâle clarté Toi qui te meurs, toi qui brûles de chasteté, Nuit blanche de glaçons et de neige cruelle ! Et ta sour solitaire, ô ma sour éternelle Mon rêve montera vers toi : telle déjà, Rare limpidité d'un cour qui le songea, Je me crois seule en ma monotone patrie Et tout, autour de moi, vit dans l'idolâtrie D'un miroir qui reflète en son calme dormant Hérodiade au clair regard de diamant.... O charme dernier, oui ! je le sens, je suis seule. LA NOURRICE Madame, allez-vous donc mourir? HÉRODIADE Non, pauvre aïeule, Sois calme et, t'éloignant, pardonne à ce cour dur, Mais avant, si tu veux, clos les volets, l'azur Séraphique sourit dans les vitres profondes, Et je déteste, moi, le bel azur! Des ondes Se bercent et, là-bas, sais-tu pas un pays Où le sinistre ciel ait les regards haïs De Vénus qui, le soir, brûle dans le feuillage : J'y partirais. Allume encore, enfantillage Dis-tu, ces flambeaux où la cire au feu léger Pleure parmi l'or vain quelque pleur étranger Et... LA NOURRICE Maintenant? HÉRODIADE Adieu. Vous mentez, ô fleur nue De mes lèvres. J'attends une chose inconnue Ou peut-être, ignorant le mystère et vos cris, Jetez-vous les sanglots suprêmes et meurtris D'une enfance sentant parmi les rêveries Se séparer enfin ses froides pierreries. |
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Stéphane Mallarmé (1842 - 1898) |
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Portrait de Stéphane Mallarmé | |||||||||
Biographie / chronologie1842 - Naissance à Paris le 18 mars. Orientation bibliographique / OuvresOuvres : Deux éditions principales, disponibles en librairie : Poésies, Edition de 1899, complétée et rééditée en 1913, puis à plusieurs reprises par les éditions de la Nouvelle Revue française (Gallimard) ; préface de Jean-Paul Sartre pour l'édition dans la collection « Poésie/Gallimard ». Ouvres complètes (un volume), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Edition établie et présentée par |
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